A Paris, incidents lors de la manifestation contre la loi travail
Durée : 01:03

Descendre dans la rue, même pour la quatorzième fois, tombait sous le sens pour Maria. « Le gouvernement n’a pas entendu la protestation de la rue. Ils ont fait passer la loi en douce pendant l’été, donc on reprend la lutte après les congés », résume la quinquagénaire, agent à la Ville de Paris depuis vingt-huit ans et syndiquée à la CGT depuis autant.

Comme elle, plusieurs milliers de manifestants se sont réunis en province et à Paris à l’appel des syndicats CGT, FO, FSU, UNEF, UNL et FIDL pour demander l’abrogation de la loi travail, promulguée durant l’été après que le gouvernement eut recours, pour la troisième fois, à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Avec 12 500 à 13 500 manifestants selon la préfecture, 40 000 selon les organisateurs, le défilé parisien était un peu plus fourni que lors de la dernière journée de mobilisation, le 5 juillet, qui avait réuni de 6 500 à 7 500 personnes à Paris, selon la police, 45 000, selon les syndicats. En France, la mobilisation a réuni 170 000 manifestants, selon la CGT, environ 78 000 selon les autorités.

A Nantes, quelques incidents dans la manifestation contre la loi travail
Durée : 01:10

« Il faut qu’on reprenne les AG »

Entouré de journalistes avant le début de la manifestation parisienne, Philippe Martinez s’est montré combatif. A la question « Est-ce la dernière manif ? », le secrétaire général de la CGT a répondu, dans un sourire : « Non. C’est la première… de la rentrée. »

Non loin du dirigeant cégétiste, le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, a cependant reconnu vouloir « lever le pied » s’agissant des manifestations. Sans pour autant renoncer à son intention d’engager une lutte « juridique » pour « l’abrogation de la loi travail », citant en exemple le sort du contrat première embauche (CPE), « passé au Journal officiel puis finalement abrogé », en 2006.

Dans le cortège nombreux étaient celles et ceux qui voulaient encore croire à un recul du gouvernement, qui s’est pourtant engagé à promulguer, d’ici à la fin de l’année, les décrets d’application de la loi. « Les lois se font et se défont », affirmait ainsi Lydia, enseignante dans le premier degré à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), adhérente à la FSU.

Le long de l’itinéraire emprunté par la manifestation contre la loi travail, à Paris, le 15 septembre. | CHARLES PLATIAU / REUTERS

Et même si au départ du cortège parisien, la place de la Bastille était assez clairsemée, Emy, Julia et Mathilde, trois lycéennes en première et terminale, disaient espérer que la contestation reprenne de plus belle. « Dans nos lycées, on n’a pas eu le temps de s’organiser, comme c’est la rentrée, expliquait Julia [le prénom a été changé]. Il faut qu’on reprenne les AG. »

« Manifester, c’est donner de la visibilité »

Elsa n’a raté aucune manifestation contre la loi travail jusqu’à présent. Alors, hors de question de louper celle-ci. « Ce n’est pas parce que la loi est promulguée qu’il faut arrêter le combat », lance la jeune femme de 29 ans, employée du service public. Rien n’empêche qu’ils fassent marche arrière et qu’ils la retirent s’ils voient que le peuple est contre. » Pour elle, la loi travail « commence à modifier les conditions du privé, mais ensuite ce sera le public avec une autre loi ».

Si le cortège était si clairsemé, c’est, selon elle, que « les gens ne peuvent pas venir car leurs conditions de travail ne leur permettent pas. Les contrats à durée déterminée [CDD] et les salariés du privé ont du mal à dégager des jours pour manifester. Mais nous sommes là pour tout le monde. »

Clémence travaille dans une branche de la Sécurité sociale mais sous un régime privé. Elle sait que l’abrogation de la loi sera difficile. Pour elle, le combat se mène désormais sur le front juridique : « Nous allons nous battre décret par décret pour vider la loi de sa substance. Pour que ce soit le moins défavorable possible aux salariés. »

Pour autant, elle estime qu’il était nécessaire de manifester, même une dernière fois, pour donner de la voix. « Rien ne remplace une manifestation de colère populaire dans la rue. Manifester, c’est donner de la visibilité à notre mouvement. On veut que les politiques sachent qu’ils doivent compter avec nous. »

Des incidents ont éclaté sur le trajet parisien, les forces de l’ordre visées par les cocktails Molotov faisant à plusieurs reprises usage de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement.

Cinq policiers ont été blessés, dont un à la tête, ce qui, selon le ministère, a fait monter le nombre de policier et de gendarmes blessés « depuis le début des manifestations autour de la loi travail à 620 ». Au cours de la journée de jeudi, 62 personnes ont été interpellées dans des manifestations dans toute la France, dont 32 ont été placées en garde à vue.