Les plans de cours servent d’éventails, en cette fin d’après-midi de septembre. Dans l’amphithéâtre Delbarre, la chaleur est accablante pour la première séance d’« introduction historique au droit » des étudiants de première année de licence, à l’université Paris-Descartes. Aucun des cinq cents sièges en cuir rouge n’est libre ; quelques rares retardataires se sont installés dans la travée.

La rentrée universitaire apporte, comme en 2015, son lot d’amphis bondés. Près de quarante mille étudiants supplémentaires sont de nouveau attendus. Les capacités d’accueil limitées établies dans un certain nombre de licences et la réforme du système d’affectation des bacheliers dans l’enseignement supérieur (Admission post-bac) ont permis de mieux gérer cet afflux désormais habituel. La tension reste cependant forte dans les filières les plus plébiscitées, comme le droit.

Une hausse continue du nombre d’étudiants

« Nous sommes probablement un cas extrême, reconnaît la doyenne de droit de Paris-Descartes, Anne Laude. Nous avons inscrit 250 étudiants de plus l’an dernier à Malakoff. Nous faisons de même cette année, la rentrée est donc toujours compliquée. »

« Nous essayons d’accueillir nos étudiants le mieux possible, poursuit la doyenne. Mais cette hausse continue des effectifs n’est aucunement compensée : nous manquons d’enseignants-chercheurs et de locaux. » Mme Laude a dû fermer les inscriptions début septembre, alors même que de jeunes bacheliers affectés en droit à Malakoff continuaient à se présenter.

« J’ai des étudiants et des parents très mécontents, à juste titre, parfois en larmes, regrette-t-elle… Mais notre plafond de 1 050 places en licence 1 est atteint ! Nous les renvoyons vers le rectorat. » Le rectorat pratique le surbooking dans l’attribution des places dans l’enseignement supérieur, escomptant une « évaporation » pendant l’été. Or, celle-ci n’a pas été à la hauteur des prévisions pour Paris-Descartes.

Les Staps sous tension

Dans la filière universitaire où la pression est la plus forte, les sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), les quatre mille places supplémentaires ouvertes pour cette rentrée n’ont pu empêcher l’organisation d’un tirage au sort. Les candidats étaient trop nombreux : onze mille bacheliers n’ont pas obtenu la place qu’ils avaient demandée en premier vœu d’orientation, d’après la conférence des directeurs d’UFR de Staps. Et les premières semaines de cours se passent plus ou moins bien.

Les premiers couacs se sont produits. A l’université Claude-Bernard-Lyon-I, mille étudiants n’ont pu avoir cours, faute de salles disponibles, mardi 13 septembre. « Dans certaines académies, comme Lyon, Saint-Etienne, Bordeaux ou Chambéry, c’est vraiment très tendu », relève Bréwal Soyez-Lozac’h, président de l’Association nationale des étudiants en Staps (FAGE).

A l’université Lille-II-Droit et santé, la première année de Staps accueille désormais mille cent étudiants. Soit une augmentation de 20 % par rapport à l’an dernier. « La rentrée se passe bien, mais nous atteignons notre capacité maximum, reconnaît Guillaume Penel, doyen de la faculté des sciences du sport et de l’éducation physique. Nous ne voulons pas sacrifier la sécurité et la qualité de la formation, ni mettre les étudiants dans les couloirs. »

Et dans le premier amphi de licence 1, le 12 septembre, aucun siège n’est libre, mais aucun étudiant n’est relégué sur les marches. Les 550 nouveaux arrivants venus suivre leur premier cours de physiologie dans la matinée ont en revanche pu découvrir un système déjà éprouvé en médecine : le dédoublement d’amphi. Quatre cents écoutent l’enseignant en face à face. Les autres suivent le cours par visioconférence dans une autre salle. Cela ne semble pas les surprendre. « Il faut juste réussir à rester très concentré, estime Corentin Debruyne, titulaire d’un bac professionnel, qui a assisté au cours en visioconférence. Le risque, c’est de se laisser plus facilement distraire. »

L’abandon, variable d’ajustement nécessaire

Dans l’amphi Delbarre, un enseignant-chercheur pronostique à ses cinq cents étudiants : « Rassurez-vous, l’amphi sera bientôt moins dense. Je le déplore, mais c’est l’expérience qui parle. » « Au début, c’est toujours pareil. Il y a beaucoup de monde, mais après il n’y a plus personne », confirment en cœur deux étudiantes qui redoublent leur première année.

Ces abandons sont parfois le levier permettant au système de fonctionner. « Nos facultés se sont adaptées en augmentant leurs capacités d’accueil, relate Didier Delignières, président de la Conférence des directeurs et doyens d’UFR de Staps. Mais, de plus en plus, on est obligé de miser sur les défections précoces pour que l’année se passe bien. Si l’ensemble de nos inscrits poursuivaient toute l’année, nous n’aurions pas les moyens de fonctionner. » Seuls 30 % des étudiants réussissent à passer le cap de la première année, avec un fort taux d’abandon dès le premier mois.

« Globalement, la rentrée est moins “pire” que l’an dernier, car elle a pu être mieux anticipée dans de nombreuses universités. Mais elle n’a toujours pas lieu dans de bonnes conditions, renchérit Franck Loureiro, secrétaire national du SGEN-CFDT en charge de l’enseignement supérieur. Recevoir quarante mille étudiants de plus par an, sans les moyens, ce n’est pas possible. » Pour le Snesup-FSU, c’est même « la rentrée universitaire la plus difficile » que connaît l’enseignement supérieur depuis 2009, avec au total « 180 000 étudiants de plus qu’il y a huit ans, soit l’équivalent de dix universités ».

Les 850 millions d’euros supplémentaires promis au budget 2017 de l’enseignement supérieur et de la recherche ne seront pas de trop pour faire face au boom démographique dont le pic n’est attendu… qu’en 2018.