Les parent d’un nouvel étudiant doivent accepter de couper le cordon pour le bien-être du jeune adulte, mais sans tomber tomber dans l’excès inverse. | JEAN-PIERRE CLATOT/AFP

Cette rentrée-là n’a plus rien à voir avec les précédentes. Il faut oublier les années d’école maternelle et primaire, de collège, de lycée, lorsque sa progéniture s’apprête à faire ses premiers pas dans l’enseignement supérieur. Un changement qu’il ne faut pas minimiser. « Tous les repères changent, surtout à l’université », souligne Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne, auteure de l’ouvrage Le Jour où les enfants s’en vont (Albin Michel, 2012).

Fini les ­relevés de notes réguliers. Finis les emplois du temps calibrés qui laissent peu de place aux angoisses des parents. « Les parents sont renvoyés aux expériences passées de leur relation parents-enfant, analyse Patrice Huerre, pédopsychiatre et psychanalyste, coauteur de Faut-il plaindre les bons élèves ? (Hachette, 2005). Que s’est-il passé la première fois qu’ils l’ont laissé aller acheter des bonbons seul ? Comment s’est déroulée la première soirée à laquelle ils l’ont autorisé à aller ? S’ils ont été échaudés, les parents risquent de craindre que leur enfant s’égare. Ils auront plus de mal à lâcher prise. »

Lâcher la bride et observer

Inutile de tenter de reprendre le contrôle pour autant. Pour Béatrice Copper-Royer, « les enfants ont un désir évident d’autonomie contre ­lequel les parents ne peuvent rien. Il faut accepter que les liens soient réaménagés ». Le plus compliqué, ­selon elle, est de réussir à faire passer un message clair : « Je ne te ­considère plus comme un enfant. » Sans pour autant faire fi du respect des règles familiales, comme prévenir quand on ne rentre pas manger.

Si couper le cordon reste une nécessité pour le bien-être du jeune adulte, Philippe Hofman, psychologue clinicien, auteur de L’Impossible séparation entre les jeunes adultes et leurs parents (Albin Michel, 2011), met en garde les parents : il faut éviter de tomber dans l’excès inverse. « On a tendance à penser que dès que le jeune est majeur, il a une capacité d’autonomie et de choix. Aujourd’hui, l’adolescence est prolongée. Jusqu’à 25 ans, parfois même 30 ans, les jeunes ont peu d’autonomie », estime-t-il.

Son conseil : lâcher la bride « par ­doses homéopathiques ». Et observer. Si le jeune adulte est un peu perdu, ne pas hésiter à aller le voir de temps en temps ou à lui payer des billets de train pour qu’il revienne à la maison. « Il est important qu’il se retrouve dans un endroit sécurisant, souligne Philippe Hofman, même s’il ne va pas forcément passer beaucoup de temps avec ses parents, ce qui peut les frustrer. »

Une attitude d’autant plus blessante que certains parents sont frappés du syndrome du nid vide, sorte de baby blues à retardement. « Pour l’éviter, ils doivent rééquilibrer leurs investissements, surtout si ceux-ci étaient forts », dit ­Patrice Huerre. Puis vient le temps de l’acceptation. « Peu à peu, les ­parents se rendent compte, parfois après quelques ­conflits, que parents et enfants ne sont pas faits pour vivre ­indéfiniment ensemble », remarque Béatrice ­Copper-Royer.

Patrice Huerre rappelle qu’il ne faut pas oublier les cas, de plus en plus fréquents, où ce sont les ­parents qui s’autonomisent quand leurs enfants s’en vont. « Ils ont un sentiment de devoir accompli et se ­disent : “Ça y est, ils sont partis, on va pouvoir prendre du temps pour nous, voyager, s’engager dans de nouvelles activités”. » Au risque que leur progéniture se sente cette fois oubliée.