Entrée en vigueur depuis cinq jours, le cessez-le-feu mis sur pied par les Etats-Unis et la Russie en Syrie tient globalement, malgré des bombardements sporadiques et le blocage de l’arrivé d’aide humanitaire pour les zones assiégées par l’armée régulière.

Si ni Moscou, ni Washington n’ont formellement prolongé la trêve dans la nuit de vendredi à samedi, les deux pays ont dit leur volonté de le faire. Ils se sont dits optimistes sur le maintien du cessez-le-feu malgré les violations (près de 200, selon l’armée russe), tout en s’accusant mutuellement de ne pas faire en sorte que leurs alliés - le régime de Damas pour les Russes, les groupes rebelles modérés pour les Etats-Unis - appliquent l’accord à la lettre.

Légère reprise des combats et aide humanitaire bloquée depuis 3 jours

YOUSSEF KARWASHAN / AFP

La reprise de premiers combats et bombardements, vendredi matin, s’est poursuivi dans la nuit de samedi. L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a signalé des heurts à l’est de Damas, dans la Ghouta orientale, et des bombardements, en majorité menés par l’armée, dans plusieurs villages de la province de Homs et Lattaquié. A Alep, principal front entre les rebelles et l’armée, il n’y a aucun dérapage. Depuis lundi, 12 civils sont morts, dont neuf tués par l’armée et trois par les rebelles, dans les zones concernées par la trêve, c’est-à-dire dans les régions tenues par le régime ou les rebelles.

Les régions sous contrôle de groupes djihadistes, comme l’organisation Etat islamique et le Front Fatah Al-Cham, ex-Front Al-Nosra, sont exclues de l’accord de trêve et continuent d’être la cible de frappes aériennes russes, du régime syrien et des Etats-Unis. Au moins 47 personnes sont mortes dans ce secteur, selon l’OSDH.

L’aide humanitaire censée venir de Turquie sur une quarantaine de camions est bloquée près de la frontière depuis jeudi. Elle doit être transportée vers une vingtaine de villes assiégées par l’armée régulière, dont les secteurs rebelles d’Alep où quelque 300 000 civils qui ne sont plus ravitaillés en nourriture. L’axe que le convoi doit emprunter est toujours occupé par les troupes syriennes, contrairement aux termes de l’accord.

Les Etats-Unis toujours inquiets de l’inertie de l’armée syrienne concernant le convoi humanitaire

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Le blocage de l’aide humanitaire est le principal argument que font valoir les Américains quand ils affirment que Moscou et Damas ne respectent pas les conditions du cessez-le-feu. « Le président s’est déclaré profondément préoccupé que, bien que la violence ait diminué dans le pays, le régime syrien continue de bloquer l’acheminement d’une aide humanitaire indispensable », a dit la Maison Blanche.

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a également insisté sur la nécessité de débloquer l’aide humanitaire lors d’une discussion téléphonique avec son homologue russe Sergueï Lavrov. Les Etats-Unis ont dit être d’accord sur l’importance d’une prolongation du cessez-le-feu, tout en se disant inquiets de ne pas voir l’aide arriver.

La Russie continue d’accuser les Etats-Unis et ses alliés de ne pas respecter le cessez-le-feu

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Les Russes continuent d’accuser les groupes rebelles modérés, soutenus par les Américains, de ne pas respecter la trêve alors que le régime la « respecte complètement », selon Vladimir Poutine. Le général Viktor Poznikhir s’est montré plus menaçant en déclarant :

« Les Etats-Unis et les groupes soi-disant modérés sous leur contrôle n’ont appliqué aucune des obligations contenues dans l’accord de Genève. Si les Etats-Unis ne prennent aucune mesure pour remplir leurs obligations en vertu de l’accord du 9 septembre, ils seront entièrement responsables de l’effondrement du cessez-le-feu ».

Ils exigent aussi davantage de transparence de la part de Washington, qui a refusé de dévoiler, pour raisons de « sécurité opérationnelle », le contenu du document qui a entériné la trêve, y compris devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Pour M. Poutine :

« Ils ne veulent pas rendre ces détails publics parce qu’alors la communauté internationale (…) comprendra qui sont ceux qui ne respectent pas l’accord », faisant référence aux rebelles.

« Je ne comprends pas pourquoi nous devrions cacher des accords », s’est étonné le président russe, ajoutant que Moscou s’abstiendrait « de révéler des détails tant que nos partenaires américains ne seront pas d’accord pour le faire ».

Que prévoit le reste de l’accord ?

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Du peu qui a été révélé du document, deux conditions sont nécessaires pour passer à la deuxième phase de cet accord de cessez-le-feu : une coordination des frappes aériennes russes et américaines contre les groupes djihadistes. Il faut d’une part qu’il y ait « sept jours consécutifs de niveau réduit de violence et d’accès humanitaire ininterrompu », selon les termes utilisés par Barack Obama, et que l’aide humanitaire finisse par arriver dans les zones concernées.