Yannick Noah, songeur, lors de la rencontre entre Gasquet et Cilic, le 18 septembre 2016 à Zadar. | ANDREJ ISAKOVIC / AFP

Et si... Et si Jo-Wilfried Tsonga ne s’était pas fait mal au genou à l’US Open ? Et si Gaël Monfils n’avait pas déclaré forfait deux jours avant la rencontre ? Et si Richard Gasquet avait été en pleine forme ? Et si Nicolas Mahut et Pierre-Hugues Herbert avaient remporté l’un des deux tie-breaks lors du double samedi ? Avec des si, l’équipe de France disputerait la finale de la Coupe Davis en novembre prochain.

Et si Tsonga ne s’était pas blessé au coude avant la finale face à la Suisse il y a deux ans ? Et si Gilles Simon avait joué le match décisif lors de la finale en Serbie en 2010 ? Et Si Paul-Henri Mathieu ne s’était pas liquéfié lors de l’ultime duel face à Mikhail Youzhny en finale, en 2002 ? Et si... Avec des si, l’équipe de France aurait remporté la Coupe Davis une fois sur deux au cours des quinze dernières années.

Le palmarès tricolore, vierge de tout saladier d’argent depuis 2001 (gloire à Nicolas Escudé, Cédric Pioline et Fabrice Santoro), avait une belle chance de gagner une ligne cette année, alors que ni Djokovic, ni Nadal, ni Federer ne figuraient sur la route des Bleus. C’est finalement le grand livre de leurs désillusions qui gagne une page après l’élimination en Croatie, dimanche.

Mieux vaut un excellent joueur que plusieurs bons

Il n’y a pas grand-chose à reprocher aux quatre joueurs français qui ont foulé le court du Kresimir Cosic Hall de Zadar ce week-end. Volontaires, soudés, valeureux, ils affrontaient un joueur trop fort pour eux, Marin Cilic, qui a qualifié son équipe à lui tout seul. Année après année, on le constate : pour remporter la Coupe Davis ces temps-ci, mieux vaut mieux avoir un excellent joueur dans son équipe (cf. Murray en finale l’an passé) que plusieurs bons, comme c’est le cas des Bleus depuis dix ans avec cette génération des « nouveaux mousquetaires » qui n’a jamais été au rendez-vous.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

Les défaites de Lucas Pouille vendredi, et Richard Gasquet dimanche, face au joueur au-dessus du lot qu’est le géant croate, n°11 mondial et vainqueur de l’US Open en 2014, n’ont rien d’infamant. Celle, samedi, de la paire Mahut/Herbert face au duo Cilic/Dodig non plus, mais ce match restera la seule source de regret pour Yannick Noah. Les n°1 et 2 mondiaux de la discipline ne sont pas passés loin, ils ont eu quelques – rares – opportunités de faire tourner la partie en leur faveur, mais dans l’ensemble, les Croates étaient supérieurs et un succès des Bleus aurait ressemblé à un petit hold-up.

Y a-t-il quelque chose à reprocher aux absents ? Manifestement, à au moins l’un d’entre eux : Gaël Monfils, dont l’ombre a plané sur Zadar tout le week-end, au grand dam de Yannick Noah, qui n’a jamais souhaité s’étendre sur le sujet, tout en ne faisait rien pour l’évacuer. Il faudra patienter pour savoir précisément à quoi il ressemble, mais c’est évident : il y a un nœud quelque part.

« Même sur une jambe, quand t’es croate, tu joues. Quand t’es français, je sais pas, mais quand t’es croate, oui. »

Le n°1 français (et n°8 mondial), flamboyant demi-finaliste à l’US Open une semaine plus tôt, a fait le voyage jusqu’en Croatie, et s’est tout d’un coup senti incapable de jouer. Noah lui a demandé de s’en aller, pour ne pas, selon les mots d’un membre de la Fédération française de tennis, « traîner un boulet ». Mais personne n’a été capable d’expliquer clairement si Gaël Monfils était réellement blessé et à quel point il était inapte – « comment voulez-vous que je vous réponde, j’en sais rien », dixit Noah, qui ignore donc si son joueur était vraiment blessé ou non, un comble.

« Si je vous dis “il nous a plantés”, ça veut dire que je pense qu’il n’était pas blessé, a commenté le capitaine. Je ne sais pas. Je veux en avoir le cœur net, et pour l’instant, je n’ai pas eu le temps de l’appeler tous les jours, je n’ai pas eu devant moi ses radios, je ne peux pas répondre. La seule chose sur laquelle je peux répondre, c’est que c’était vraiment tard [pour déclarer forfait]. En général, j’ai plutôt de la chance, et c’est vraiment pas de chance qu’il se fasse mal en montant les escaliers, quoi. Voilà, c’est tout. »

Noah chafouin

Cet obscur épisode a rendu Noah chafouin, au point qu’il distille des piques tout au long du week-end. On retiendra les deux suivantes : « Pour moi, ce qui compte, c’est l’état d’esprit. Je suis revenu après dix-neuf ans parce qu’il y a un problème d’état d’esprit. Le fait que Gaël ne soit pas là est une très bonne chose par rapport à l’état d’esprit. » Et au sujet de l’impact d’un éventuel coup de pompe de Cilic avant le troisième jour, lui qui avait joué à fond les deux précédents : « C’est très léger, parce qu’en Coupe Davis, dans ces conditions, chez toi, même sur une jambe, tu joues, quand t’es croate. Quand t’es français, je sais pas, mais quand t’es croate, oui, les mecs jouent. »

Bref. Il y a des choses plus importantes que la défection d’un tennisman, et des choses plus graves qu’une élimination en demi-finale de la Coupe Davis, mais on espère quand même démêler cette histoire un jour.

En attendant, on se souviendra de la folle, et hostile, ambiance de Zadar ; du bel effort de Gasquet, envoyé au feu alors qu’il ne figurait même pas dans l’équipe il y a une semaine ; de la déclaration d’amour du Bitterois à Noah, « le meilleur capitaine [qu’il ait] jamais eu » ; de Cap’tain Yannick faisant le tour du terrain en rigolant derrière les ramasseurs de balle, au moment de leur remplacement, lors du cinquième match pour du beurre remporté par Pouille (6-4, 6-4 face à Draganja, si ça vous intéresse) ; de la sympathie de Mahut et Herbert, venus encourager ce dernier au milieu des quelques centaines de supporteurs français.
Rendez-vous l’année prochaine.

Mahut et Herbert sont les deux jeunes gens qui tiennent la tête géante en carton de Lucas Pouille et qui tirent la langue, à droite. | Le Monde / HS

Et là, ce sont les deux jeunes gens qui agitent un drapeau français, en haut à gauche. | Le Monde / HS