Quinze ans après les attentats du 11 septembre 2001, le devoir de mémoire reste intact et le désir de justice inassouvi pour les familles des 2 977 personnes tuées. Alors que le pays tout entier s’apprêtait à se recueillir une nouvelle fois, le Congrès a accédé à une requête des proches, qui aura mis plus de dix ans à aboutir. La Chambre des représentants a en effet voté, vendredi 9 septembre, une loi permettant aux familles des victimes de poursuivre des pays comme l’Arabie saoudite, pour un rôle potentiel dans les attentats.

Si l’émotion entourant ces cérémonies est toujours aussi forte, l’unité politique qui prévalait il y a quinze ans n’est plus de mise. Barack Obama a en effet annoncé qu’il opposerait son veto à cette loi, qui avait été déjà votée par le Sénat il y a quatre mois. Le président américain estime en effet que cette décision exposerait les Etats-Unis à des poursuites similaires de la part de citoyens d’autres pays. Par ailleurs, l’adoption définitive de cette loi compliquerait singulièrement les relations avec un pays qui a longtemps constitué la pierre angulaire de la diplomatie américaine au Proche-Orient.

« Subtilités diplomatiques »

Alors que le lobbying des proches des victimes a été intense ces dernières semaines, le représentant républicain du Texas, Ted Poe, a estimé que le gouvernement américain devrait être plus préoccupé par les familles des victimes que par « des subtilités diplomatiques ». Même si l’élu affirme qu’il ne sait pas si le gouvernement saoudien a pu jouer un rôle dans le 11-Septembre, il considère que « c’est à un jury d’Américains de décider ». Pour le sénateur démocrate de New York, Charles Schumer, « Il y a toujours des considérations diplomatiques qui entravent la justice, mais si un tribunal prouve que les Saoudiens ont été complices du 11-Septembre, ils doivent en être tenus pour responsables ».

L’Arabie saoudite, dont 15 ressortissants faisaient partie des 19 terroristes du 11-Septembre, a toujours nié toute implication dans les attentats. Le royaume a menacé de rapatrier des milliards de dollars d’investissements des Etats-Unis vers Riyad, si jamais la loi était définitivement adoptée. Pour cela, après le veto présidentiel, le texte doit obtenir une majorité des deux tiers au Congrès, ce qui reste mathématiquement faisable.

Le vote de la chambre des représentants intervient deux mois à peine après la publication partielle d’un rapport sur les attentats, qui a été entre-temps déclassifié. Il a ravivé les spéculations sur les liens éventuels qu’auraient pu entretenir les terroristes avec des officiels saoudiens, même si les agences américaines de renseignement qui ont enquêté n’ont jamais pu « identifier de manière définitive » de tels liens, selon les constatations faites par les commissions sur le renseignement du Sénat et de la Chambre des représentants.

Contexte tendu

Cette quinzième commémoration a failli également être marquée par un hasard malencontreux du calendrier. En effet, théoriquement, l’Aïd el-Kébir, la fête du sacrifice, la plus importante dans la religion islamique, devait tomber le même jour, ce qui aurait été une première. La date est déterminée par l’apparition de la Nouvelle lune, prévue cette année le 1er septembre, la fête étant fixée dix jours après. Plusieurs associations musulmanes, comme l’Arab American Association of New York, s’étaient inquiétées que la coïncidence de cette fête et de la commémoration du 11-Septembre soit mal interprétée. Le contexte cette année est d’autant plus tendu depuis le meurtre, le 13 août, d’un imam et de son assistant dans le quartier du Queens. Mais finalement, la Lune n’étant pas visible le 1er septembre, mais seulement le 2, la Cour suprême d’Arabie saoudite a décidé de fixer la date de l’Aïd le 12 septembre, au grand soulagement des associations religieuses et des forces de sécurité qui redoutaient des débordements.

Toute la matinée de dimanche doit être consacrée à la commémoration, avec en point d’orgue, une cérémonie à Ground Zero, ponctuée par une minute de silence à 8 h 46, l’heure à laquelle le premier avion détourné par les terroristes avait percuté la tour Nord du World Trade Center. Hillary Clinton, candidate démocrate à l’élection présidentielle, qui était sénatrice de New York en 2001, a annoncé sa participation à la cérémonie. Donald Trump, son adversaire républicain dans la course à la Maison Blanche, n’avait pas prévu de s’y rendre, mais sa participation a finalement été annoncée samedi.

Barack Obama, lui, a choisi de prononcer un discours au cours d’une cérémonie au Pentagone, à Arlington (Virginie) où 184 personnes ont péri le 11 septembre 2001, quand l’un des avions détournés s’est écrasé sur le bâtiment abritant le quartier général du département de la défense. A New York, de nombreux concerts sont prévus au cours de la journée, qui se clôturera avec le traditionnel « Tribute in light », un hommage qui reconstitue dans la nuit la silhouette des tours jumelles, là où elles étaient implantées, grâce à 88 projecteurs qui demeureront allumés jusqu’à l’aube.

« Les terroristes n’ont clairement pas gagné »

Quinze ans après les attentats, le lieu a retrouvé une nouvelle identité. Autour des bassins situés à l’emplacement même des deux tours détruites, un nouvel ensemble architectural a été édifié, avec notamment la Freedom Tower et ses 541 mètres, inaugurée en mai 2015, ainsi que la nouvelle gare en forme d’oiseau qui a ouvert ses portes au printemps dernier. « Les terroristes n’ont clairement pas gagné, affirme le contrôleur financier de l’Etat de New York, Thomas DiNapoli. Si leur message était de faire en sorte que le bas de Manhattan soit dévasté, que ce soit un endroit où les gens aient peur d’y vivre ou de le visiter, en fait c’est juste le contraire ». La population de ce quartier du Lower Manhattan a ainsi plus que doublé depuis 2000, plus de 23 millions de personnes ont visité le mémorial, tandis que le musée du 11-Septembre, situé en sous-sol de la dalle de Ground Zero, en a attiré plus de 4 millions.

En ce quinzième anniversaire, une nouvelle pièce est venue s’ajouter à la collection du musée. Il s’agit du fameux drapeau américain, sujet d’une célébrissime photo qui avait obtenu le prix Pulitzer, où l’on voit trois pompiers le planter sur les décombres des tours jumelles. L’étendard avait été récupéré sur un yacht amarré dans une marina à proximité, sur l’Hudson River, puis avait mystérieusement disparu, jusqu’à ce qu’on retrouve en 2014 dans l’Etat de Washington.