L’entrée d’une base militaire où ont été tués 17 soldats indiens, à Uri, le 18 septembre. | TAUSEEF MUSTAFA / AFP

La réponse, cinglante, n’a pas tardé. Quelques heures après l’attaque, dimanche 18 septembre, d’un poste militaire indien au Cachemire, tuant dix-sept soldats, le premier ministre Indien Narendra Modi a condamné une « lâche attaque terroriste », ajoutant sur son compte Twitter que ses auteurs « ne resteront pas impunis ».

A 5 h 30, quatre assaillants armés de fusils automatiques et de grenades ont réussi à s’infiltrer dans une base de l’infanterie indienne située à Uri, à seulement 6 kilomètres de la « ligne de contrôle » qui sépare l’Inde du Pakistan. La base, où sont déployés des centaines de militaires indiens, est visible depuis le territoire pakistanais. La construction d’un mur barbelé en 2004 sur cette frontière a réduit le nombre d’infiltrations sans y mettre fin.

Les attaquants savaient-ils, cette nuit-là, que des soldats indiens installés dans des abris provisoires venaient d’arriver pour prendre la relève d’une autre unité ? La majorité des victimes sont mortes dans leurs tentes qui ont pris feu avec l’explosion des grenades.

Les assaillants portaient des « objets d’estampillage pakistanais », selon les autorités indiennes. Le ministre indien de l’intérieur, Rajnath Singh, a immédiatement accusé le Pakistan d’être un « Etat terroriste » et a mis en cause le « soutien continu et direct du Pakistan au terrorisme et à des groupes terroristes ».

Cycles de violence

Aucun groupe n’a revendiqué cette attaque, la pire dans cette région himalayenne, mais le général indien Ranbir Singh, chargé des opérations militaires, a nommément accusé le groupe islamiste armé Jaish-e-Mohammad, basé au Pakistan. « L’Inde rejette la faute sur le Pakistan sans mener aucune enquête », a réagi le porte-parole du ministère pakistanais des affaires étrangères, qui rejette l’accusation.

Le ton s’est considérablement durci depuis janvier 2016, lorsque le même ministre indien de l’intérieur ne voyait « aucune raison de se méfier du Pakistan » après l’attaque de la base aérienne militaire de Pathankot, dans le nord-ouest de l’Inde, qui avait fait huit morts. Islamabad, qui avait accueilli quelques semaines plus tôt M. Modi lors d’une visite surprise, avait alors condamné cette attaque, puis envoyé une équipe d’enquêteurs sur place. Leurs conclusions n’ont, à ce jour, pas été rendues publiques.

Depuis, le Cachemire s’est embrasé. La mort, le 8 juillet, de Burhan Wani, une figure de la rébellion tuée par les forces de sécurité indiennes, a plongé la région dans l’un de ses pires cycles de violence depuis la décennie noire des années 1990. Au moins 87 civils ont été tués et une dizaine de milliers de personnes blessées lors de manifestations. Pour la première fois cette année, les forces paramilitaires et la police ont fait usage de carabines à plomb, avec dans chaque cartouche près de 500 granules provoquant défigurations et lésions oculaires. Un militant cachemiri des droits de l’homme, Khurram Parvez, a été emprisonné jeudi 15 septembre alors qu’il s’apprêtait à se rendre à Genève pour témoigner devant les Nations unies.

« L’époque de ce qu’on appelait la “retenue stratégique” est terminée »

Les relations diplomatiques entre les deux frères ennemis d’Asie du Sud se sont brutalement dégradées lorsque le premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, a dédié le 14 août, anniversaire de l’indépendance du Pakistan, à la « liberté du Cachemire ». Son homologue indien a répliqué le lendemain en accusant son voisin de glorifier le terrorisme. Islamabad a longtemps accusé Delhi de soutenir les militants du Baloutchistan, une province pakistanaise stratégique et riche en ressources naturelles, en proie aux tensions séparatistes.

Tous les regards sont désormais tournés vers l’Inde. « Si le Pakistan pense que l’attaque d’Uri ne sera suivie d’aucune réponse, comme d’ordinaire, c’est une illusion. L’Inde n’est plus dans la vieille stratégie de retenue », observe l’analyste indien Shekhar Gupta. M. Modi, issu des rangs des nationalistes hindous partisans d’une ligne dure avec le Pakistan, risque d’être accusé de laxisme s’il choisit l’apaisement. « L’époque de ce qu’on appelait la “retenue stratégique” est terminée, a renchéri Ram Madhav, le secrétaire général du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindou au pouvoir. Si le terrorisme est l’instrument des faibles et des lâches, la retenue face à des attaques terroristes répétées trahit l’incompétence et l’inefficacité. L’Inde doit prouver le contraire. »

Deux puissances nucléaires

En 2001, au lendemain de l’assaut du Parlement indien, le pays avait choisi l’escalade militaire en massant ses troupes à la frontière avec le Pakistan. En 2008, New Delhi avait au contraire mobilisé la communauté internationale dans l’espoir qu’Islamabad traduise en justice les organisateurs des attaques de Bombay. La solution diplomatique d’un règlement du conflit avec le Pakistan a toujours échoué et l’option militaire, notamment des attaques ciblées contre les groupes terroristes au Pakistan, pourrait entraîner les deux pays, tous deux dotés de l’arme nucléaire, dans un engrenage de violences aux conséquences imprévisibles. « La possibilité que quelques maladresses poussent à bout les deux Etats est réelle », s’inquiète le quotidien The Indian Express dans son éditorial daté du 19 septembre.