L’auteur du rapport de l’Institut Montaigne, Harim El Karoui, à Paris, le 29 août. | MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Le rapport de l’Institut Montaigne sur l’« islam français » ne se contente pas d’exposer les résultats du sondage de l’IFOP. Son auteur, Hakim El Karoui, en livre une interprétation inquiète. Deux réalités différentes apparaissent, écrit-il dans l’avant-propos de l’étude : « Une majorité silencieuse, très souvent pratiquante mais sans conflit majeur avec les normes de la société française, d’une part ; une minorité attirée par le fondamentalisme, qui utilise l’islam pour dire sa révolte, d’autre part. »

L’usage identitaire de la religion musulmane par une moitié des jeunes de cette confession, explique cet ancien collaborateur de Jean-Pierre Raffarin à Matignon, est d’abord le « révélateur de la crise de la société française ». La crise actuelle du monde arabe est présente en toile de fond, mais la manifestation de ce qu’il qualifie de « révolte par l’islam » de cette jeunesse a d’abord des causes françaises. Elles ont pour nom une société « bloquée par une lutte de pouvoirs entre les générations », qui ne fait pas leur place aux jeunes, les discriminations, notamment à l’embauche, la relégation dans les périphéries urbaines. Le consultant insiste sur le « risque de rébellion ». « Les émeutes de 2005 étaient anomiques. Maintenant, elles ont trouvé un langage », assure-t-il.

Extension du concordat

Il préconise donc d’agir sur tous ces plans. L’Etat devrait commencer, selon lui, par assurer l’enseignement de l’arabe à l’école pour ceux qui le souhaitent. « Car il y a une demande énorme et les familles n’ont d’autre recours que d’envoyer leurs enfants dans les cours dispensés par les écoles coraniques et les mosquées. » Il devrait aussi assurer la formation des aumôniers dans les instituts créés à cet effet.

En pleine relance des projets gouvernementaux sur l’organisation du culte musulman, Hakim El Karoui expose aussi les ingrédients d’une réforme en profondeur des institutions de l’islam français. Elle passe selon lui par l’accession aux commandes d’une nouvelle génération de responsables. Ils seront à la tête d’une « association musulmane pour un islam français » destinée à financer la construction de lieux de culte, les salaires des imams et la formation théologique. Elle serait abondée par une redevance sur la consommation du halal – elle aurait le monopole de la certification –, une autre sur le pèlerinage, les dons venus de l’étranger et ceux des fidèles français. Un grand imam de France serait chargé d’impulser le travail théologique. L’extension à l’islam du concordat d’Alsace-Moselle permettrait enfin la création d’une faculté de théologie chargée de former les imams et autres agents religieux.