C’est le sprint final : ils ne sont désormais plus que huit candidats à la primaire de la droite, après que la haute autorité du parti Les Républicains a validé les parrainages de chacun pour le scrutin des 20 et 27 novembre. Les huit vont ainsi redoubler d’efforts pour rencontrer le maximum d’électeurs – minimisant leur budget et leur énergie – en continuant les meetings commencés depuis des mois dans toute la France.

Le Monde s’est penché sur tous les lieux de rassemblements organisés par ces candidats depuis le mois de janvier (voir la méthodologie ci-dessous) et sur ce qu’ils révèlent de leurs stratégies de campagne.

Découvrez les déplacements des candidats à la primaire de la droite avec cette carte :







Nicolas Sarkozy chasse seul sur les terres du FN

Tous les candidats ont fait la même analyse : inutile de perdre du temps – et de l’argent – à faire campagne sur des terres qui votent à gauche. Tous ont privilégié des meetings dans des communes où Nicolas Sarkozy, candidat malheureux en 2012, a fait un meilleur score que dans le reste de la France aux dernières élections présidentielles.

Pourtant, les stratégies diffèrent lorsqu’il s’agit de choisir parmi ces communes favorables à la droite. Le tour de France de Nicolas Sarkozy l’amène vers des villes où le score du Front national a été plus fort que la moyenne française, contrairement aux autres candidats.

Nicolas Sarkozy est le seul à avoir choisi de faire ses meetings dans des villes où le FN était plus fort que la moyenne
Moyenne du score de Marine Le Pen au premier tour des élections présidentielles de 2012 dans les communes choisies par le candidat pour ses meetings

Malgré un soutien affiché de François Bayrou à Alain Juppé, les électeurs du centre n’ont pas eu droit à un traitement de faveur de la part du maire de Bordeaux. Tous les candidats font leurs meetings dans des villes où le score du MoDem a été légèrement plus élevé que dans le reste de la France, mais c’est le candidat du Parti chrétien-démocrate, Jean-Frédéric Poisson, qui va le plus à la rencontre de l’électorat du MoDem, proche des valeurs chrétiennes.

MM. Le Maire et Mariton, deux marathoniens en campagne

Si la période estivale a souvent été l’occasion pour les candidats d’effectuer des tournées, du Sud-Est à l’Ouest, Bruno Le Maire et Hervé Mariton se distinguent en ayant fait des réunions publiques tout au long de l’année. Depuis janvier, tous deux enchaînent régulièrement des sessions de quatre à sept jours de meetings, avec respectivement un maximum de dix et sept meetings pour autant de jours cet été.

Pour Bruno Le Maire, la campagne se gagne sur le terrain

Une stratégie d’autant plus différenciante pour Bruno Le Maire que ses deux principaux concurrents, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, ont choisi d’organiser bien moins de réunions publiques. De même, si l’entrée en campagne officielle de l’ancien président de la République fut tardive (le 22 août), elle n’explique pas le peu de réunions publiques comptabilisées, puisque nous avons fait le choix de compter toutes celles qu’il a données pour présenter la primaire et son programme depuis janvier, comme pour les autres candidats.

Les stratégies de Bruno Le Maire, François Fillon et Nicolas Sarkozy se rejoignent cependant lorsqu’on se penche sur la taille des villes qu’ils ont choisies pour leurs réunions. Contrairement à Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-Frédéric Poisson et Alain Juppé, qui leur préfèrent des villes moyennes, ils font avant tout campagne dans de petites villes.

Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et François Fillon misent sur les petites villes
Médiane du nombre d'habitants par commune visitée par chaque candidat
Source : INSEE

Il est toutefois à noter que la plupart des petites villes visitées par François Fillon et Nicolas Sarkozy étaient en banlieue de plus grandes agglomérations (Paris, Lille, Strasbourg ou Bordeaux).

Alain Juppé : la France autour du monde

Parmi les dix villes les plus visitées par les candidats depuis janvier, deux sont étrangères : Londres et Bruxelles, toutes deux visitées par cinq candidats sur huit (Alain Juppé, François Fillon, Hervé Mariton, Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy). Rien d’étonnant, le Royaume-Uni et la Belgique font partie des destinations les plus prisées par les Français expatriés. Deux pays qui ont également placé Nicolas Sarkozy à la première place des candidats au premier tour de l’élections présidentielle en 2012, avec plus de 35 % des suffrages exprimés.

Les cinq destinations les plus prisées

Les cinq pays où l’on trouve le plus de Français expatriés sont :

  1. La Suisse avec 167 207 Français
  2. Les Etats-Unis avec 135 837
  3. Le Royaume-Uni avec 126 804
  4. La Belgique avec 117 782
  5. L’Allemagne avec 112 879

Si la plupart des candidats comptent sur les voix des Français de l’étranger, ce sont Alain Juppé et Nicolas Sarkozy qui y consacrent le plus de temps, respectivement avec 20 % et 16,7 % de leurs réunions publiques depuis janvier.

Les modalités du vote des 1,68 million de Français vivant officiellement hors des frontières nationales (chiffre du ministère des affaires étrangères en 2014) ont d’ailleurs fait l’objet d’une passe d’armes de la primaire. Le 3 mai, le bureau politique des Républicains avait voté le choix exclusif du vote papier pour les Français de l’étranger, à l’initiative de Nicolas Sarkozy. Une décision prise en l’absence de ses principaux concurrents. Face aux critiques, un compromis avait été trouvé quinze jours plus tard en faveur d’un système mixte, puis d’un vote exclusivement électronique, devant la difficulté à organiser la primaire dans des bureaux de vote physiques à l’étranger.

30% des meetings d'Alain Juppé ont lieu hors de la France métropolitaine
Part des réunions publiques selon les territoires

Mais les Français vivant hors de France métropolitaine ne résident pas que dans les grandes métropoles étrangères. Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire en ont d’ailleurs fait un de leurs axes de campagne. De Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, à Baie-Mahault, en Guadeloupe, pour Alain Juppé, en passant par Saint-Denis de La Réunion pour Bruno Le Maire, ils ont tous rencontré les Français d’outre-mer. Alain Juppé se détache cependant de ses concurrents en donnant 10 % de ses meetings en France hors métropole – contre plus de 7 % pour le François Fillon et plus de 1 % pour Bruno Le Maire.

Ces villes-symboles qu’il faut avoir visité

Si la plupart des communes choisies pour donner une réunion publique sont liées à la stratégie spécifique de chaque candidat, certaines se trouvent sur le chemin de plusieurs d’entre eux, sans que des résultats électoraux précédents et qu’une densité forte en population puissent l’expliquer.

Ces communes sont des villes-symboles pour les candidats : ils les visitent moins pour aller à la rencontre de leurs habitants que pour en tirer un bénéfice médiatique au niveau national.

Quelques surprises dans le palmarès des communes les plus choisies par les candidats pour leurs meetings
Communes où plusieurs candidats sont passés en réunion publique

Parmi ces communes, on trouve La Roche-sur-Yon. Pourtant, la préfecture de la Vendée avait en moyenne moins voté pour Nicolas Sarkozy que le reste de la France au premier et au second tour de l’élection présidentielle 2012. Mais la ville, située dans un département rural qui a, lui, voté majoritairement pour l’ancien président en 2012, abrite des industries dynamiques qui représentent la réussite du savoir-faire français. La visite de Bénéteau, constructeur de bateaux renommé, ou de l’usine Michelin donne l’occasion à quatre candidats (Alain Juppé, Bruno Le Maire, Hervé Mariton et Jean-Frédéric Poisson) de dérouler notamment leur programme économique pour la France.

La petite commune de Rillieux-la-Pape (Rhône) dans l’arrière-pays lyonnais, qui abrite l’usine de la Maison Lejaby, sert le même but. Deux candidats s’y sont arrêtés pour y donner une réunion publique (Jean-François Copé et Hervé Mariton), tandis qu’un troisième, Bruno Le Maire, a visité l’usine avant de donner un meeting à Lyon.

Pour développer leur programme sur la sécurité, trois candidats (Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et Hervé Mariton) ont choisi Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) pour faire une réunion publique – voire, pour Nicolas Sarkozy, son meeting de lancement officiel. En 2015, la ville d’un peu plus de 15 000 habitants possédait 125 caméras de surveillance et avait déjà équipé sa police municipale de caméras embarquées.

Méthodologie

Pour réaliser cette étude, nous avons recensé toutes les réunions publiques des huit candidats encore en lice depuis janvier 2016, considérant que le choix de la commune où ces réunions se passent constitue un choix stratégique de la part des candidats. Celui-ci montre en effet quel électorat local il souhaite toucher et quelles thématiques il souhaite mettre en avant dans sa campagne au niveau national.

Tous les candidats n’étaient pas officiellement candidats en janvier 2016. Bruno Le Maire et Jean-François Copé se sont déclarés en février 2016, Nathalie Kosciusko-Morizet en mars 2016, Alain Juppé en avril 2016 et Nicolas Sarkozy en août 2016. Cependant, leur candidature était un secret de Polichinelle. Ils ont tous donné des réunions publiques pour rassembler leurs soutiens, réunions publiques que nous avons comptées au même titre que les réunions publiques qui ont suivi leur acte de candidature.

N’ont pas été comptabilisées les réunions non-publiques, exclusivement réservées aux membres d’un club ou du parti. Ainsi, la présence des candidats au campus des Jeunes Républicains au Touquet ou à l’université d’été de La Baule n’ont pas été comptabilisés.

De même, n’ont pas été comptabilisées les réunions publiques données par des lieutenants des candidats, comme cela a été le cas pour ceux d’Alain Juppé en juin à Bordeaux. L’énergie des candidats étant limitée, il est plus intéressant de se pencher sur les lieux où ils estiment leur présence nécessaire que de compter qui a le plus de lieutenants pour l’épauler partout en France.