Le président russe, Vladimir Poutine, le 18 septembre, dans un bureau de vote de Moscou. | GRIGORY DUKOR / AFP

Editorial Dix-huit mois de récession économique continue, la plus longue depuis l’arrivée au pouvoir, en 2000, de Vladimir Poutine, n’ont pas pesé sur le résultat des élections législatives organisées dimanche 18 septembre en Russie. Pas plus que les revers encaissés depuis deux ans par le Kremlin, qu’il s’agisse des sanctions internationales en réaction à l’annexion de la Crimée et au conflit dans l’est de l’Ukraine, ou des sanctions sportives liées au scandale du dopage. Rien n’a joué. Le parti au pouvoir, Russie unie, a obtenu une écrasante majorité à l’issue du scrutin. Les sièges de la Douma, la Chambre basse du Parlement russe, seront détenus à 76 % par ses députés.

Ce premier test électoral national depuis l’annexion de la Crimée ouvre un boulevard à M. Poutine pour la présidentielle de 2018. Bien qu’il n’ait pas encore annoncé son intention de briguer un quatrième mandat, personne ne doute des intentions du chef de l’Etat, âgé de 63 ans, et crédité d’une popularité record avec 86 % d’opinions favorables.

Russie unie a fait le plein de son électorat. Ses obligés et les convaincus sont allés voter. Les mécontents, eux, sont restés chez eux

M. Poutine n’a pas de concurrent. Cette fois encore, l’opposition, désunie et vilipendée à longueur de temps, accusée d’être manipulée par les Etats-Unis, n’est pas parvenue à franchir l’épreuve des élections. La fraude, du moins à Moscou et Saint-Pétersbourg, les deux principales villes du pays, n’a même pas atteint l’ampleur des falsifications constatées lors des précédentes législatives, en 2011. Nul besoin.

Russie unie a fait le plein de son électorat. Ses obligés et les convaincus sont allés voter. Les mécontents, eux, sont restés chez eux. Ils sont pourtant majoritaires. Pour la première fois depuis 1993, date des premières élections législatives organisées en Russie après l’effondrement de l’URSS, moins de 50 % des électeurs ont été aux urnes. Les autres étaient convaincus que leur voix ne changerait rien à la situation.

Le terrain avait été préparé. Commencée pendant l’été, la campagne, pour ces élections anticipées de trois mois, a été étouffée. Aucun programme n’a été débattu, aucune grande réunion publique n’a eu lieu. En parallèle, les organisations russes indépendantes sont toujours un peu plus discréditées et enregistrées les unes après les autres sur la liste des « agents de l’étranger » tenue par le ministère de la justice. Juste avant le scrutin, l’institut de sondages Levada a été à son tour affublé de cette étiquette infamante. L’espace des voix critiques se réduit. Une vidéo sur la somptueuse résidence du premier ministre, Dmitri Medvedev, survolée à l’aide d’un drone, diffusée quelques jours avant les élections par l’opposant Alexeï Navalny, a été regardée plus d’un million de fois. Sans influence sur le résultat.

Parallèle avec Angela Merkel

A Moscou, la comparaison avec la chancelière allemande, Angela Merkel, qui assume son troisième mandat et dont le parti essuie au même moment une série de revers électoraux, est sans cesse rebattue. Elle n’a rien d’illogique. Les médias russes pro-Kremlin pilonnent sans relâche sur le thème de la crise des migrants en Allemagne, tout en relayant les discours rassurants du pouvoir russe sur le thème « la crise est derrière nous » – même si les grands indicateurs sociaux sont repartis à la baisse.

La légitimité renouvelée de M. Poutine va lui permettre de lancer de nouvelles réformes. Les services de sécurité, piliers du pouvoir, vont être ainsi réorganisés. Peut-être parce qu’au Kremlin, on se souvient bien qu’à la veille de la chute de l’URSS, en 1990, le Parti communiste soviétique était lui aussi crédité de… 86 % d’opinions favorables.