La Commission de Bruxelles a pris une décision pour le moins inhabituelle, vendredi 9 septembre, annonçant qu’elle renonçait à une décision à peine cinq jours après l’avoir promulguée. L’institution avait recommandé, lundi 5 septembre, que les frais d’itinérance (frais supplémentaires facturés pour les appels avec un mobile depuis l’étranger) seraient réduits à zéro « pour au minimum trois mois » à compter du 15 juin 2017. Vendredi, un de ses porte-parole rétropédalait en public, expliquant que « cette proposition était bonne, mais pas assez bonne pour le président [Juncker] » et que la Commission reviendrait avec une nouvelle copie « très rapidement ».

En interne, cette volte-face a fait grincer des dents. Les fonctionnaires de l’institution ont en effet le sentiment d’avoir fait correctement leur travail. Fin 2015, le Parlement européen et le Conseil (représentant les Etats membres) étaient enfin parvenus à s’entendre pour mettre fin au « roaming » dans l’Union, ces surfacturations liées à l’utilisation du mobile à l’étranger.

En réalité, ce texte (un règlement) ne prévoit pas la fin définitive de l’itinérance. Celle-ci signifierait la création d’un véritable marché commun, sans frontières, des télécoms. Or, on en est très loin, ni les opérateurs nationaux ni les Etats ne voulant en entendre parler. La fin de l’itinérance n’est que « temporaire », reste limitée à « une utilisation raisonnable », et vaut uniquement pour les citoyens faisant de courts séjours dans un autre Etat membre (touristes, etc.), explique t-on à Bruxelles.

Fin 2015, c’est à la Commission qu’a été confiée la responsabilité, dans un acte d’exécution à publier avant fin 2016, de préciser cette limitation prévue à la « fin de l’itinérance ». Les experts maison ont fini par trancher pour 90 jours au minimum. « Le but est d’éviter les abus, qu’une personne achète une carte SIM pour rien en Lituanie et l’utilise en itinérance dans un pays où les télécoms sont bien plus chers », argue une source européenne.

Mesures concrètes, positives

Pourtant, la Commission a préféré céder face à l’emballement médiatique et à la pression des eurodéputés, qui depuis des années ont transformé « la fin du roaming » en un véritable slogan. Il faut dire que l’institution et son président cherchent désormais à en finir avec le « Bruxelles bashing », les critiques répétées à l’égard d’une institution accusée de n’avoir pas assez tenu compte, jusqu’à présent, des « vraies » préoccupations des citoyens de l’Union.

C’est dans cet esprit – regagner le cœur des Européens, leur proposer des mesures concrètes, « positives » –, que M. Juncker prépare activement le « discours de l’Union », qu’il doit prononcer le 14 septembre. A cette occasion, il devrait dévoiler une réforme substantielle du droit d’auteur (Le Monde du samedi 27 août), mais aussi un nouveau « paquet législatif » concernant les télécommunications. La Commission va proposer des mesures pour aider l’investissement dans les réseaux, l’avènement du très haut débit fixe et de la « 5G » dans le mobile.

M. Juncker devrait fixer un nouvel objectif pour l’Europe digitale : faire en sorte qu’en 2025, les « pôles économiques et sociaux » (les universités, les hôpitaux, les centres d’affaires) puissent bénéficier d’au moins 1 Gbts/s de débit Internet. Et que tous les citoyens européens disposent chez eux, à terme, d’une connexion à 100 Mbts/s. On en est loin : selon des chiffres avancés par Bruxelles, 71 % des Européens ne disposent que de 30 Mbts/s (15 % seulement dans les zones rurales).

Pour encourager les opérateurs à investir dans leurs réseaux, y compris dans les zones peu denses, donc moins rentables, la Commission prévoit d’encourager le co-investissement, avec une régulation « light », l’idée étant de ménager aux différents opérateurs un « droit de premier arrivé » sur un projet de réseau, qui le protégerait d’une éventuelle concurrence supplémentaire. Bruxelles veut aussi aider à l’apparition d’opérateurs de réseau, d’acteurs dont le modèle économique est de louer des capacités à d’autres opérateurs.