Le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, lors d’une visite à la prison de Fresnes, le 20 septembre | PATRICK KOVARIK / AFP

Editorial Neuf mois après son arrivée place Vendôme, le constat dressé par le ministre de la justice est implacable. Et sa volonté de bien faire incontestable. Le rapport présenté, mardi 20 septembre, par Jean-Jacques Urvoas sur la situation des prisons françaises en témoigne. Son titre exprime sans ambiguïté l’ambition du gouvernement : « En finir avec la surpopulation carcérale. » L’objectif fixé est à la hauteur des besoins répertoriés : créer, dans les dix ans à venir, entre 10 000 et 15 000 cellules individuelles supplémentaires, selon les hypothèses d’évolution du nombre de détenus, et commencer ces travaux dès 2017 en inscrivant plus d’un milliard d’euros de crédits dans le prochain budget.

De fait, la situation est connue, et ce rapport ministériel vient s’ajouter aux nombreux constats – tout aussi alarmants – établis depuis des années par les parlementaires, par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, par l’Observatoire international des prisons, ou par les personnels de surveillance des prisons françaises.

Cet été, l’on a, à nouveau, battu un triste record : 69 375 détenus pour une capacité de 58 311 places. Dans certains établissements, le taux d’occupation atteint le double des places disponibles. C’est notamment le cas dans les maisons d’arrêt où s’entasse un nombre croissant de prévenus (près de 20 000) qui attendent leur jugement, alors que plus de 2 600 places sont vides dans les centrales réservées aux personnes condamnées à deux ans de prison ou plus. Cette surpopulation signifie une gestion de plus en plus contrainte des parloirs, un rationnement des activités sportives ou culturelles, un nombre croissant (80 %) de sorties de prison « sèches », sans aucun dispositif préalable de réinsertion sociale, et des conditions de travail de plus en plus tendues pour les personnels.

Triste record

Mais si la bonne foi de l’actuel garde des sceaux ne saurait être mise en doute, on ne peut s’empêcher de constater qu’il répète, à peu de chose près, les constats et les promesses de nombre de ses prédécesseurs, et qu’il préfigure les mêmes impuissances. Ainsi, sans remonter à la loi de 1875 qui en posait le principe, la règle de l’encellulement individuel a solennellement été rappelée par une loi de 2000 (gouvernement Jospin), puis consacrée par la loi pénitentiaire de 2009 (gouvernement Fillon). De moratoire en moratoire, toutes majorités confondues, l’application en a sans cesse été reportée.

Ce n’est pas seulement une question de dignité pour les détenus, mais aussi de sécurité pour la société

Le gouvernement reprend donc cet engagement. A juste titre, car ce n’est pas seulement une question de dignité pour les détenus, mais aussi de sécurité pour la société, tant la promiscuité est désormais propice au prosélytisme religieux, voire djihadiste. Mais il est pour le moins gênant qu’il le fasse à sept mois d’une élection présidentielle, sans aucune garantie que ses promesses seront suivies d’effets. Le gouvernement Fillon avait fait de même, en 2011, en annonçant avec tambours et trompettes la création de 20 000 nouvelles places de prison, sans en garantir le financement. En outre, le constat de M. Urvoas signe cruellement l’échec de la politique ambitieuse des peines alternatives à la prison, défendue par sa prédécésseure, Christiane Taubira. La justice, à l’évidence, s’est montrée plus que réticente.

Le ministre peut bien rêver que la politique carcérale fasse l’objet d’une démarche « non partisane ». Cela, jusqu’à présent, a toujours relevé du vœu pieux. Ou de la formidable hypocrisie collective qui prévaut en la matière.