Christophe André, psychiatre à l’hôpital Saint-Anne, à Paris. | Ed Alcock/M.Y.O.P.

Christophe André ne cesse de s’en étonner. Au LH Forum, qui se tient au Havre du 13 au 17 septembre, à peine les inscriptions ouvertes, tous les cours de méditation ou débats sur la question affichent complet. A celui qu’il anime, « Mindfulness », on refusera aussi du monde. Psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, Christophe André utilise depuis plus de vingt ans les techniques de méditation dans un cadre thérapeutique, mais il n’a jamais connu un tel engouement pour la pensée positive. Trois amis en quête de sagesse (L’Iconoclaste/Allary, 496 p., 22,90 €), son livre écrit avec Alexandre Jollien et Matthieu Ricard, s’est vendu à 300 000 exemplaires. « Il y a un peu plus de dix ans, se souvient-il, la méditation, c’était suspect, désuet, baba cool. Aujourd’hui, la demande des ­entreprises est extraordinaire. Je suis constamment invité. »

Pourquoi cet attrait pour la méditation ? Et pourquoi est-il si vif dans l’entreprise ? « Beaucoup pensent d’abord à la gestion du stress de leurs cadres. Mais c’est moins important qu’une aspiration de plus en plus forte à la sagesse. Dans les entreprises, dans le monde de l’économie en général, de plus en plus de salariés veulent mieux comprendre, mieux voir, mieux décider. Beaucoup de dirigeants sont aussi las d’être dans la réactivité permanente. Ils ­aspirent à être parfois dans la non-action. Ils ont envie d’observer leur vie, d’être présents à ce qu’ils voient. En d’autres mots, d’accepter le réel. »

L’écosystème de chacun est agressé

Christophe André a un truc. Lorsqu’il intervient dans une entreprise, il commence toujours par demander aux participants si, lors des deux dernières semaines, ils ont eu une demi-journée de travail solitaire, dans la continuité, sans aucune pollution extérieure. Les réponses à cette question montrent à quel point, en entreprise, l’écosystème de chacun est agressé. « Dans le monde numérique, on est sommé de répondre à chaque instant. Cette ­demande très forte de trouver des manières de muscler son attention, de sortir de ces organisations où tout le monde est sur écran et où la pollution attentionnelle est maximale, date vraiment, pour moi, de 2009 ou 2010. La crise ? Peut-être. L’explosion du ­numérique ? Beaucoup plus sûrement. Si l’on pouvait comparer les ventes d’écrans connectés de toutes natures avec celle des livres sur la méditation, le bonheur, la recherche de la positivité, je crois que l’on trouverait une corrélation très forte. »

Christophe André est psychiatre, pas sociologue de l’entreprise, mais il a une idée : « Les dirigeants d’entreprise ont deux fortes ­demandes. Ils désirent une pacification émotionnelle et veulent ­acquérir plus de lucidité, une vision plus pénétrante. » Deux ­valeurs au centre du bouddhisme. Et, de plus en plus, au centre de l’économie positive.

Le Monde est partenaire du LH Forum.