La vente d’avions de combat Rafale à l’Inde semble imminente. L’Elysée a annoncé le déplacement à New Delhi, jeudi 22 septembre, du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, sans en préciser l’objet. Plusieurs agences de presse affirment toutefois qu’un comité de sécurité, présidé mercredi par le premier ministre indien, Narendra Modi, a approuvé l’achat de trente-six appareils.

Si la signature avec l’Inde, prévue vendredi, était confirmée, l’avionneur français Dassault enregistrerait, pour le Rafale, sa plus grosse commande à l’exportation. En 2015, le Qatar et l’Egypte avaient acquis chacun vingt-quatre appareils.

Ce sont neuf années de négociations qui touchent à leur fin. En 2007, l’Inde avait lancé un appel d’offres pour l’acquisition de 126 avions de combat, dont 108 appareils assemblés sur son sol en partenariat avec l’entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited (HAL), et dix-huit autres prêts à voler. Le 31 janvier 2012, le Rafale remportait l’appel d’offres pour lequel le gouvernement indien entrait en négociations exclusives. Mais la victoire fut de courte durée.

En avril 2015, le premier ministre Narendra Modi, alors fraîchement élu, et en visite à Paris, enterre le « contrat du siècle » et annonce à la place l’acquisition de trente-six avions « sur les étagères », sortis des usines de Dassault. L’Inde a finalement renoncé à assembler sur son sol les avions Rafale pour éviter un surcoût de production lié à la formation des équipes ou encore à la création de nouvelles chaînes de production sur son sol.

Cet échec de la politique du « make in India », si chère à M. Modi, sera compensé en partie par la négociation d’« offset » dans le nouveau contrat, dont une partie de la valeur devra être transformée en investissements et en emplois en Inde.

Une flotte vieillissante

Cet accord, s’il reste modeste en comparaison du « contrat du siècle » formulé au départ, bénéficierait aussi à Thales, à Safran et à MBDA, dont le missile air-air de toute dernière génération Meteor pourrait équiper l’avion français livré à l’Inde. Les modalités financières de l’accord ne seront dévoilées qu’au moment de la signature. La presse indienne évoque un chiffre compris entre 7,6 et 8,1 milliards d’euros.

L’achat de ces Rafale permettrait une modernisation de la flotte aérienne vieillissante, réclamée de longue date par l’armée de l’air indienne pour pouvoir rivaliser avec celle du voisin pakistanais et faire face à la montée en puissance de la Chine.

L’Inde ne disposait en 2015 que de trente-cinq escadrons de dix-huit appareils chacun, alors qu’elle évalue ses besoins à au moins quarante-deux escadrons pour protéger ses frontières ouest et nord avec le Pakistan et la Chine. Sa flotte aérienne est par ailleurs composée d’appareils hétéroclites comme les avions russes Mig 21, Soukhoi, ou Su-30 MKI, les Mirage Français, ou encore un avion de fabrication locale, le Tejas.

Fortes tensions entre l’Inde et le Pakistan

Parmi les spécialistes indiens, le Rafale ne fait toutefois pas l’unanimité. L’analyste Ajai Shukla estime par exemple que l’avion de Dassault va « tuer le futur de l’armée de l’air indienne » en accaparant les ressources financières nécessaires au programme de développement d’un avion de combat de cinquième génération, en partenariat avec les Russes.

Si elle est confirmée, cette signature interviendra dans un contexte extrêmement tendu entre l’Inde et le Pakistan. Quatre assaillants armés de grenades et d’armes automatiques se sont infiltrés dimanche dans une base militaire indienne au Cachemire, tuant dix-huit soldats, soit la plus lourde attaque dans la région depuis près de quinze ans.

M. Modi, sous pression pour sanctionner le Pakistan après l’attaque de ce week-end, a multiplié les réunions avec les responsables de l’armée ces derniers jours. L’acquisition de trente-six Rafale enverrait un signal fort à Islamabad.

Dans un discours prononcé mercredi devant l’Assemblée générale des Nations unies, le premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, a de son côté pointé du doigt la course à l’armement « sans précédent » de l’Inde, tout en déplorant que la communauté internationale « ignore la montée des tensions en Asie du sud, à ses risques et périls ».