Décidément, ce Jour de la fertilité italien était une mauvaise idée. La journée censée encourager la natalité, organisée par le ministère de la santé, se tient le 22 septembre. Depuis un mois, la campagne de communication gouvernementale avait irrité une partie de la jeunesse par des affiches jugées agressives et réactionnaires, alors que le chômage et la précarité leur semblaient être des sujets plus importants. Le président du conseil italien, Matteo Renzi, avait lui-même pris ses distances avec cette initiative. La ministre de la santé, Beatrice Lorenzin, avait fini par regretter que le message soit « mal passé ».

A l’approche du jour J, le ministère a essayé de changer d’angle d’attaque et de mettre l’accent sur la prévention de l’infertilité et la promotion d’un mode de vie « sain ». Sur une brochure diffusée le 21 septembre, on peut voir deux images l’une au-dessus de l’autre. En haut, la phrase « les bonnes attitudes à promouvoir » est accolée à l’image d’une bande de jeunes blonds aux sourires parfaits. En dessous, une autre image est censée représenter « les mauvais compagnons à abandonner » : des jeunes fument un joint dans un appartement aux volets fermés ; l’un d’entre eux a des dreads et l’autre est noir.

L’affiche a immédiatement été critiquée et dénoncée comme étant raciste. En tentant de se défendre, le ministère a aggravé son cas :

« Dans cette image nous ne voyons pas un Noir mais un garçon comme les autres. Nous sommes une société multiethnique. Il y a un an et demi nous avons été considérés comme des héros pour être venus en aide aux réfugiés débarqués à Lampedusa… Et aujourd’hui nous sommes considérés comme racistes. »

Bizarrement, la justification n’a pas apaisé les foules. La brochure a été retirée quand la polémique est devenue si importante qu’elle ne pouvait être ignorée, et une enquête interne ouverte pour tenter de comprendre l’origine de ce dérapage. Et le directeur de la communication du ministre de la santé a été renvoyé.

Recentrer un débat sur la prévention de l’infertilité

La très mauvaise campagne de communication s’est immiscée dans les débats politiques qui se déroulaient en même temps. Les députés du parti Gauche écologie liberté (SEL) ont déposé une motion demandant au gouvernement de se distancier de la première campagne (celle qui n’était pas encore raciste), car elle « relève du chantage », selon le chef du groupe, Arturo Scotto : « Nous demandons la réaffirmation du principe de liberté dans les choix reproductifs des femmes. »

Les écologistes veulent que le gouvernement replace le débat dans sa perspective de départ, celle du traitement et de la prévention de l’infertilité et des maladies sexuellement transmissibles. Le Jour de la fertilité devait en effet s’insérer dans un vaste plan national pour la fertilité qui prévoit, entre autres, d’augmenter le montant des allocations à l’arrivée du premier enfant.

La baisse de la natalité est un problème grave en Italie. La population a chuté en 2015, pour la première fois depuis 1919, et le nombre de naissance est passé sous la barre des 500 000 par an, « un record depuis l’unification de l’Italie », selon le Corriere della Sera. « Mais faire face à coups de pédagogie autoritaire est trompeur et inefficace », pense Arturo Scotto. Il propose une meilleure promotion des méthodes contraceptives et un programme d’information pour la prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST), ainsi que des réformes sociales pour s’attaquer au problème structurel, la précarité des jeunes parents.

Des mesures qui ressemblent à celles défendues par le président du Conseil Matteo Renzi. Au début de septembre, il faisait remarquer que « les gens font des enfants lorsqu’ils peuvent avoir un travail à durée indéterminée, contracter un prêt, avoir une crèche en bas de chez eux. Voilà la vraie campagne ».