Hôtel Marriottt à Manhattan. | ANDREW KELLY / REUTERS

Peser le plus lourd possible face aux agences de voyages en ligne, les online travel agencies (OTA), comme Booking.com et autres Expedia, tel est le principal objectif du rachat du groupe hôtelier américain Starwood par son concurrent et compatriote Marriott.

Après des mois de négociations, cette opération, annoncée vendredi 23 septembre, donne naissance au numéro un mondial de l’hôtellerie. Marriott a accepté de verser 13,1 milliards de dollars (11,6 milliards d’euros) pour mettre la main sur Starwood. Le nouveau géant a désormais en portefeuille une trentaine d’enseignes réparties principalement du milieu au très haut de gamme. Du Residence Inn au Ritz-Carlton. Au total près de 1,1 million de chambres installées dans le monde entier. Toutefois, le nouvel empire est surtout présent en Amérique du Nord, où il gère plus de 750 000 chambres.

Cette acquisition a été chère payée, notamment à cause de la surenchère de l’assureur chinois Anbang. Mais Marriott compte rentrer vite dans ses frais. « Nous sommes constamment en train de réduire les coûts », précise Amy McPherson, PDG de Marriott International Europe. Elle prévoit que le nouvel ensemble pourrait notamment économiser « 250 millions de dollars en synergies de coûts généraux annuels ». Toutefois, ce n’est pas pour faire des économies que Marriott a mis la main à la poche.

Course à la taille

L’Américain a donné un coup d’accélérateur à une course à la taille déjà bien engagée. Objectif, être un géant pour imposer ses vues aux OTA et ainsi négocier les taux de commission les plus bas possible.

En France, les taux de commission évoluent de 12 % pour les plus grands groupes à 25 % pour les hôteliers isolés. Sans même attendre la finalisation de la reprise de Starwood, Marriott laisse entendre qu’il est en plein milieu de négociations avec les OTA, pour obtenir une baisse des commissions. La plus forte possible. Dans le même temps, Marriott veut aller chasser les OTA sur leur terrain. A la mi-septembre, l’américain a annoncé un partenariat avec Expedia. Désormais, la technologie de réservation de l’agence en ligne est disponible sur le site de l’hôtelier américain.

L’autre enjeu de cette acquisition pour Marriott est d’accroître la taille du portefeuille de membres du programme de fidélité. En avalant Starwood, le numéro un de l’hôtellerie détient « 85 millions de membres grâce à l’addition des deux programmes de fidélité », indique Mme McPherson.

Une arme de choix pour passer outre les OTA. « 50 % de nos locations de chambres sont issues de clients membres de nos programmes de fidélité », se félicite la PDG. Autant de consommateurs qui échappent aux OTA. Pour bénéficier à plein des avantages de ces programmes, les clients doivent réserver directement chez Marriott sans passer par Booking.com ou Expedia.

Eventail d’enseignes

Le numéro un mondial compte bien ne pas en rester là. « Il est encore possible d’augmenter le nombre de clients qui viennent dans nos hôtels au moyen du programme de fidélité », signale Mme McPherson. Pour être encore plus efficace, « nous allons fusionner les deux programmes mais pas avant 2018 », ajoute-t-elle.

L’autre atout du rapprochement avec Starwood, c’est l’éventail d’enseignes détenues par l’américain. Une trentaine au total. « Nous allons toutes les conserver », explique la PDG. Une démarche qui tourne le dos à la stratégie longtemps menée par les groupes hôteliers. « Il y a peu encore, les groupes américains ne voulaient pas détenir trop de marques », fait savoir un cadre dirigeant d’un concurrent européen. Ils préféraient une certaine uniformisation de leur offre synonyme d’économies. Cette époque est révolue. Elle remarque que « depuis quelques années, les Américains n’arrêtent pas de lancer de nouvelles marques » pour suivre les goûts des consommateurs qui refusent de plus en plus nombreux la standardisation.

Cette union des deux poids lourds américains va faire bouger les lignes. Elle va relancer le mouvement de consolidation du secteur. « Pour être compétitif dans un monde global il faut proposer beaucoup de choix », admet Mme McPherson. L’américain Hilton Worldwide et le britannique Intercontinental Hotel Group (IHG), désormais numéros deux et trois mondiaux, pourraient ne pas rester inertes. Toutefois, Intercontinental a indiqué il y a quelques mois qu’il n’avait pas besoin de croître par acquisition.

Tout comme le français Accorhotels qui s’accroche à sa sixième place mondiale (mais reste à la première place hors Etats-Unis). Son PDG, Sébastien Bazin, a indiqué que « la course à la taille n’est pas une obligation ». Pourtant, avec la cession en passe d’être finalisée de 60 % d’Hotelinvest, la filiale qui possède les murs de ses hôtels, Accorhotels disposera d’un trésor de guerre de 4 à 5 milliards d’euros.