Emmanuel Macron à Lyon le 24 septembre. | JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Emmanuel Macron continue sa marche en avant. Malgré un appel (officieux) au boycott lancé par une partie de la gauche, l’ex-ministre de l’économie a fait l’unanimité lors de sa venue au sommet des réformistes européens, organisé samedi 24 septembre à Lyon par l’Institut Montaigne, un cercle de réflexion libéral, et par les Gracques, un think tank proche de l’aile droite du parti socialiste (PS).

« Je préfère me réjouir des présents que commenter les absents », a indiqué M. Macron à son arrivée en début d’après-midi au musée des Confluences, où se réunissait une centaine d’universitaires, de chefs d’entreprise, d’hommes politiques et de responsables associatifs européens, pour débattre de l’avenir du Vieux continent. Regrettant que sa venue ait pu provoquer « des soubresauts », il a pour autant fustigé les absents de dernière minute. « Où bien ils n’avaient pas grand-chose à dire, où bien ils ont subi des pressions », a-t-il regretté.

Initialement prévus au programme, le commissaire européen Pierre Moscovici, l’ancien banquier Jean Peyrelevade, l’économiste Jean Pisani-Ferry, l’ex-ministre Jean-Louis Borloo ou encore les responsables de Terra Nova, un think tank proche du PS, avaient annulé leur venue, par crainte plus ou moins avouée d’être associés à un meeting de campagne de M. Macron. Co-organisateur de l’événement, Gérard Collomb, maire de Lyon et soutien de poids de l’ancien banquier de chez Rothschild, avait dénoncé « une vraie chasse » contre son poulain.

Cela n’a pas empêché M. Macron d’engranger de nouveaux ralliements. Députée européenne (MoDem), Sylvie Goulard n’a pas fait mystère, lors de ce colloque, de son désir de se mettre « en marche », du nom du mouvement lancé en avril par l’ancien protégé de François Hollande. La présence de Mme Goulard avait d’autant plus de poids que François Bayrou, le président du MoDem, qui critique sévèrement M. Macron, tient ce week-end son université de rentrée à Guidel, en Bretagne. En déshérence des Républicains, le député Frédéric Lefebvre s’est dit également intéressé par la démarche de l’ancien locataire de Bercy et prêt à travailler avec lui. Enfin, les ex-ministres Renaud Dutreil et Nicole Bricq, déjà ralliés, étaient aussi présents.

Donner sa vision de l’Europe

Pour intéressantes qu’elles furent, les discussions de haut niveau menées depuis le matin lors de différentes tables rondes, où l’on pouvait croiser Enrico Letta, ancien président du conseil italien, Pascal Lamy, ex-directeur de l’OMC, Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, Emma Reynolds, députée du Labour au Royaume-Uni, Nicole Notat, ex-numéro 1 de la CFDT, ou encore les économistes Gilbert Cette et Elie Cohen, ont été en partie éclipsées par la venue de M. Macron et par le barnum médiatique qui l’accompagne désormais lors de ses déplacements.

Alors qu’il disait être à Lyon pour « discuter du fond », l’ancien ministre de l’économie n’a participé à aucune des tables rondes, qui se déroulaient à huis clos, et a passé sa première partie d’après-midi à donner une interview à BFM-TV, puis à répondre aux questions des nombreux journalistes présents, lors d’une conférence de presse improvisée sur le parvis du musée. De même, M. Macron s’est prêté à plusieurs reprises aux mises en scène de Cyrille Eldin, l’animateur du « Petit Journal » de Canal +, y compris lors de la séance plénière ouverte au public.

Dans un discours de plus d’une demi-heure, en fin d’après-midi, une faveur dont il fut le seul à bénéficier, Emmanuel Macron s’est néanmoins attaché à donner sa vision de l’Europe et à esquisser des solutions pour tenter de « sauver » le Vieux Continent face à « la peur et à la défiance ». « Nous devons prendre des risques, prendre nos responsabilités », a martelé le jeune énarque, stigmatisant la succession de sommets européens, auxquels il a pourtant œuvré lorsqu’il travaillait à l’Elysée, qui ne débouchent sur rien. « On ne discute plus de grands projets, on discute des mots du communiqué », s’est-il désolé, prenant notamment en exemple le sommet de Bratislava, le 16 septembre, qui devait poser les bases d’une refondation de l’Europe suite au Brexit, mais qui n’a pas permis de réelles avancées.

Pour un budget de la zone euro

Convaincu que l’Union européenne (UE) ne pourra être sauvée sans une nouvelle adhésion des peuples, le presque candidat à la prochaine élection présidentielle a proposé de profiter des échéances électorales de 2017, en France mais aussi en Allemagne, pour organiser des « conventions démocratiques » dans chaque pays européen. Objectif : « Réfléchir et faire des propositions [afin d’] établir une feuille de route pour les dix à quinze ans à venir ». Celle-ci pourrait être ensuite soumise à référendum.

S’il est resté relativement évasif sur ce qu’il souhaitait voir dans cette feuille de route, Emmanuel Macron a néanmoins esquissé quelques pistes. Selon lui, l’UE doit mener une vraie politique antidumping. « Nous avons besoin de protections pour nous ouvrir au monde », a-t-il indiqué. Prenant l’exemple des importations d’acier chinois à prix cassé, contre lesquelles il s’est battu lorsqu’il était à Bercy, M. Macron a estimé que Bruxelles « ne réagit pas assez vite, n’impose pas des tarifs assez élevés », à l’inverse des Etats-Unis.

De même, l’ancien ministre a milité pour un « budget de la zone euro », car « une monnaie sans budget est vouée à l’échec ». C’est, selon lui, le seul moyen d’obtenir une relance des investissements en Europe, alors que l’Allemagne est toujours réticente à y consacrer ses excédents structurels, et ce même si le pacte de stabilité lui en fait l’obligation. Enfin, l’ancien ministre a plaidé pour la mise en place d’un « fonds européen de défense ». « Nous devons être des déterminés de court terme et des optimistes de long terme », a-t-il conclu.

Resté à Lyon après la fin du sommet, M. Macron devait assister en fin de journée à une rencontre avec des membres de son mouvement En marche !. Engagé dans une course contre la montre pour structurer son parti d’ici les élections présidentielle et législative, notamment au niveau local, l’ex-bras droit de François Hollande a déjà récolté 2 millions d’euros de dons pour financer sa campagne, selon Christian Dargnat, dirigeant de BNP Paribas et trésorier d’En marche !, présent à Lyon.

De quoi permettre à Emmanuel Macron d’aller vite : Arnaud Montebourg, un de ses possibles rivaux, a indiqué il y a quelques jours n’avoir pour l’instant obtenu que 60 000 euros de dons. De même, l’ancien ministre a indiqué, en marge de sa visite, qu’il ferait trois meetings en octobre, à Strasbourg (le 4), au Mans (le 11) et à Montpellier (le 18), afin de présenter son « diagnostic » de la France. M. Macron marche, et vite.