Elle répond au nom de code Pangea IX. Sous l’égide d’Interpol, une première phase de l’opération qui s’est déroulée du 30 mai au 7 juin dans 103 pays du monde a permis de mettre la main sur 12,2 millions de doses de faux médicaments d’une valeur de 53 millions de dollars (47 millions d’euros).

Jusque-là, le Bénin ne faisait pas figure d’exemple dans la lutte contre le trafic de faux médicaments, malgré l’Appel de Cotonou de 2009 par lequel le président français Jacques Chirac avait appelé à une mobilisation mondiale sans précédent.

Finalement, le conseil des ministres béninois a donné son aval le 1er septembre pour que l’opération « coup de poing », menée chaque année par Interpol en collaboration avec les services de police et des douanes de différents pays, puisse aussi être menée sur son territoire.

C’est donc un satisfecit pour la corporation des pharmaciens du Bénin qui lutte depuis plusieurs mois contre le trafic de faux médicaments. « Cette décision du gouvernement est un signal fort envoyé aux trafiquants sur la volonté du nouveau régime d’en découdre avec la criminalité pharmaceutique », s’est réjoui le docteur Louis Koukpémédji, président du Syndicat des pharmaciens du Bénin (Syphab).

« L’opération vise d’une part à sensibiliser les populations sur les effets nuisibles de la consommation des médicaments vendus en dehors du circuit réglementaire et d’autre part à démanteler les réseaux de trafiquants de faux médicaments », a expliqué le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence, Pascal Irénée Koupaki lors d’un point de presse. Elle implique cinq départements ministériels dont ceux de l’intérieur, de la santé et du commerce.

2,4 tonnes de faux médicaments saisies

Le Bénin est réputé être une plaque tournante du trafic de faux médicaments en provenance du Nigeria avec lequel ce pays pauvre d’Afrique de l’Ouest partage 871 km de frontières poreuses. Les trafiquants opèrent impunément dans des marchés à ciel ouvert dont le plus connu, Adjégounlé, est en plein centre de Cotonou, la capitale économique. Un trafic alimenté par les entreprises pharmaceutiques elles-mêmes. Fin juin, le secteur de la pharmacie avait été éclaboussé par des révélations de vente illicite de médicaments au profit du marché parallèle par l’une des plus anciennes sociétés de vente en gros de médicaments. Un mois plus tard, le 26 juillet, 2,4 tonnes de faux médicaments avaient été saisies par la direction des pharmacies à Abomey-Calavi, une commune au nord de Cotonou.

Mais le président du Syphab craint que la répression ne se limite à une opération ponctuelle et que le trafic reprenne vite. Un problème qu’avait déjà soulevé le général Idrissou Abdoulaye, ancien directeur du Centre nationale hospitalier et universitaire (CNHU) aujourd’hui à la tête du laboratoire de biochimie du centre hospitalier. « En réprimant, au lieu de régler le problème, on ne faisait que le déplacer. Les bonnes dames quittent le marché pour se retrancher dans les maisons et les ruelles », a-t-il expliqué au Monde Afrique.

Arsenal juridique insuffisant

Pascal Irénée Koupaki a fait valoir qu’une telle opération vise aussi « à engager les poursuites judiciaires contre les personnes impliquées et à intercepter, saisir et détruire les stocks de médicaments provenant du commerce et du trafic illicite des médicaments. » Or les professionnels jugent que les outils juridiques contre le trafic ou l’exercice illégal de la profession de pharmacien très peu coercitifs pour lutter contre des barons très influents qui tirent des milliards de francs CFA de ces trafics. Selon les textes, les trafiquants encourent six mois de prison au plus et une amende qui varie entre 100 000 francs CFA et un million de francs CFA (152 euros à 1 524 euros). « Il faut renforcer cet arsenal et inciter les politiques à ratifier la convention Médicrime du Conseil de l’Europe », entrée en vigueur le 1er janvier 2016, insiste Louis Koukpémédji.

En Afrique, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) évalue que 30 % à 70 % des médicaments en circulation sont des faux. Au Bénin, selon une étude récente du ministère de la santé, plus de 6 000 personnes seraient impliquées dans le commerce de faux médicaments et 85 % de la population s’approvisionneraient sur le marché informel.