Trump-Clinton : un débat « a très rarement permis de gagner une élection »
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Editorial du « Monde ». On l’avait vue vaciller, prise de malaise, le 11 septembre. Deux semaines plus tard, c’est une candidate démocrate en pleine forme, visiblement ­totalement rétablie, qui a affronté Donald Trump, lundi soir 26 septembre, pour le premier de trois débats présidentiels programmés à la télévision d’ici au 8 novembre, jour de l’élection.

A l’aune des critères classiques du combat électoral, Hillary Clinton a remporté ce premier duel haut la main. Contrairement à son adversaire républicain, ce débat, elle l’avait préparé sur le fond. C’est dans sa nature : Hillary Clinton travaille, elle connaît ses dossiers, et c’est plutôt rassurant. « Oui, j’ai préparé ce débat, et vous savez à quoi d’autre je me suis préparée ? A être présidente », a-t-elle rétorqué à Donald Trump. Sur les trois grands volets débattus (économie et emploi, relations raciales, sécurité nationale) la candidate démocrate a opposé à la description par M. Trump d’une « Amérique qui perd », ruinée par deux mandats Obama, une vision résolument positive et réaliste.

L’ex-secrétaire d’Etat est aussi apparue volontiers caustique, plus offensive face à la gouaille de l’homme d’affaires, n’hésitant pas à l’attaquer frontalement, notamment sur son refus de publier ses feuilles d’impôt. La meilleure défense étant l’attaque, Mme Clinton a marqué des points sur ce terrain ; elle a même réussi à faire oublier sa propre vulnérabilité sur l’affaire gênante de ses e-mails au département d’Etat et à placer M. Trump plus d’une fois sur la défensive.

Campagne hors norme

Le candidat républicain, Donald Trump,  et son adversaire démocrate, Hillary Clinton, lors du débat télévisé du 26 septembre, à New York. | PAUL J. RICHARDS / AFP

Toute la question, bien sûr, est de savoir si les critères classiques du combat électoral fonctionnent dans cette campagne 2016 hors norme. Les derniers sondages avant le débat donnaient les deux candidats au coude-à-coude : il est donc crucial pour Hillary Clinton, à six semaines du vote, de gagner des voix dans le camp des indécis, encore estimé à près de 20 % de l’électorat. Mais la rationalité et l’expérience peuvent-elles encore influer sur le choix des électeurs indécis ? Compte tenu du climat de défiance et de colère populaire qui règne sur cette campagne, rien n’est moins sûr.

Ce débat a pourtant permis aux deux candidats de formuler assez clairement le choix qu’ils offrent aux Américains. M. Trump affirme pouvoir préserver l’emploi par une baisse massive de l’impôt sur les sociétés et des mesures protectionnistes ; Mme Clinton, moins à l’aise sur ce terrain en raison de son soutien antérieur aux traités de libre-échange, considère que cela accroîtra dangereusement la dette. Sur la question des armes à feu, des femmes et des minorités ethniques, ils sont aux antipodes l’un de l’autre.

Les citoyens des pays alliés des Etats-Unis ne votent pas dans cette élection. C’est pourtant sur le dernier volet du débat, la sécurité nationale, que l’opposition entre Hillary Clinton et Donald Trump est la plus inquiétante, car elle nous concerne tous. Qu’il s’agisse du rôle de l’OTAN, de Vladimir Poutine, de la lutte contre l’organisation Etat islamique, du réchauffement climatique ou de l’arsenal nucléaire, les incohérences, l’ignorance et le manque d’expérience manifestés par Donald Trump sont indignes d’un candidat investi par le Parti républicain pour la présidence d’un pays qui est une superpuissance. Son adversaire démocrate a raison : Donald Trump « n’est pas qualifié pour devenir commandant en chef ». Le vote des électeurs américains, le 8 novembre, est tout aussi crucial pour le reste du monde.