Le Français Alexandre Malsch a créé Melty, en 2008, une start-up devenue aujourd’hui le premier groupe français de média en ligne destinés aux jeunes. | ALAIN JOCARD / AFP

Le groupe Melty se présente comme le groupe de médias en ligne de la youth culture. Destinés aux 12-30 ans, ses neuf sites se consacrent à l’actualité des séries, des célébrités, des jeux vidéo… Lancé en 2008 par trois jeunes, Alexandre Malsch, ­Jonathan Surpin et Jérémy Nicolas, Melty ­affiche aujourd’hui 25 millions de visites par mois.

Les « millennials » sont-ils aussi instables qu’on le dit ? Qu’en est-il chez Melty ?

Les quelque cent salariés de Melty, qui ont une moyenne d’âge de 27 ans, sont tous en CDI mais, en général, ils sont là pour une durée déterminée : ils restent environ trois ans, le temps d’un projet. Ils ne restent au-delà que s’ils peuvent s’engager dans une nouvelle aventure. Leur temporalité, c’est celle du projet.

Les jeunes de la génération Y ­re­présentent 80 % de vos effectifs. Melty est-il resté ­centré sur eux ?

Grâce à notre levée de fonds récente s’ouvre aujourd’hui un nouveau chapitre de notre histoire. Pour croître dans un univers plus structuré, nous faisons entrer chez Melty des personnes de 40 ans, qui nous apporteront des process et, au-delà, leur expertise et leur expérience pour nous éviter de faire des erreurs et pour gagner du temps. Mais cela va être un challenge d’intégrer des seniors dans cet univers très jeune. Ils doivent comprendre l’intérêt que porte notre public aux séries télé, à Pokémon Go [jeu en réalité augmentée], aux youtubeurs comme à Snapchat. Ils devront aussi ­adopter nos méthodes de travail, à commencer par nos outils. Il n’y a quasiment pas de papier chez Melty : nous ne fonctionnons qu’en mode collaboratif sur des docs ­partagés dans le cloud [espace de stockage virtuel] et nous n’échangeons plus de mails, car nous utilisons la messagerie Google Hangouts. Toute la société Melty a été construite autour du partage. Ils devront l’adopter.

N’êtes-vous pas déjà contraint de vous ouvrir aux encore plus jeunes, à la génération Z ?

Tout à fait ! On ne veut pas être délogés par les jeunes qui arriveront avec une nouvelle technologie, alors on leur a donné leur place, pour ne pas faire comme les générations avant nous, qui ont tout fait pour conserver leur pouvoir. C’est pourquoi nous avons créé, il y a plus de six mois, ­TYRAmisu, un site média conçu pour la mobilité et la viralité, dont on a confié la conception à des jeunes de 22 ans. Avec un ­objectif et un budget donnés, et une grande liberté dans la conception et sa mise en œuvre. ­TYRAmisu est déjà un succès, signe que notre coopération leur a permis d’atteindre en quelques mois ce qui leur aurait pris des années s’ils avaient démarré seuls. Et aujourd’hui, son équipe forme celle des autres médias.

L’économie, selon vous, serait donc techno-générationnelle ?

Ce que l’on appelle la génération Y est faite de jeunes pragmatiques qui ont grandi dans un contexte très difficile : ils ont galéré sur un marché du travail totalement verrouillé et vont devoir payer la dette liée à ce verrouillage par les générations précédentes. Cette génération sait qu’elle ne peut compter que sur elle-même et sur la communauté, mais aussi sur sa capacité à utiliser des outils qui se révèlent plus efficaces que le savoir des ­générations précédentes. Leur savoir est aujourd’hui dans le cloud. C’est pour cela que l’enjeu de l’éducation nationale, ce ne devrait plus être de transmettre des savoirs, mais d’apprendre à apprendre, tout en aiguisant l’esprit critique. L’homme numérique représente une nouvelle forme d’humanité, avec une troisième main, son smartphone, qui lui permet d’avoir accès à son deuxième cerveau, où se trouve un savoir infini, et de le partager en toute situation. C’est un progrès pour l’humanité.