Des logements HLM dans le nord de Marseille, en novembre 2012. | GERARD JULIEN / AFP

Le premier ministre, Manuel Valls, est venu, mardi 27 septembre, apporter un peu de réconfort aux acteurs du logement social. Le congrès de l’Union sociale de l’habitat (USH), grand-messe annuelle du logement social, réunit, à Nantes, jusqu’au 29 septembre, les représentants des 730 organismes HLM de France, à la tête d’un parc de 5,4 millions de logements. Le secteur se sent malmené par un pouvoir qui se dérobe à son engagement financier tout en imposant aux organismes d’accueillir davantage de populations très défavorisées, une société qui exige des HLM davantage de transparence dans les attributions de logements, et des intercommunalités qui poussent aux regroupements, indisposant les offices liés aux communes, ainsi dessaisis de la maîtrise de leur parc

Premier point douloureux : l’argent. En 2015, à Montpellier, le président François Hollande était venu en personne pour calmer la grogne des congressistes qui s’impatientaient de le voir tenir sa promesse de candidat, faite en 2012, de doubler les aides à la pierre, de 500 millions à 1 milliard d’euros, pour financer la construction. Le budget ne l’a toujours pas permis et, pour répondre à l’attente, le gouvernement a, en mai 2016, créé le Fonds national des aides à la pierre, nouvel outil piloté paritairement par les pouvoirs publics et le mouvement HLM, désormais associé aux décisions d’investissements.

Ce fonds est doté de 500 millions d’euros, la moitié procurée par l’Etat, l’autre par la trésorerie des organismes HLM ainsi mutualisée, « mais on est loin du compte », juge Eddy Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement, une association de locataires. « Monsieur le premier ministre, ce fonds peut être une opportunité mais à condition qu’il soit crédibilisé et stabilisé. Je ne vous demande pas plus d’argent, mais de la stabilité », a solennellement averti Jean-Louis Dumont, président de l’USH, qui fédère tous les organismes HLM.

« Demande très forte »

Manuel Valls n’est pas venu les mains vides. La Caisse des dépôts, grand argentier du monde HLM, a débloqué une enveloppe de 2 milliards d’euros à la disposition des organismes, sous forme d’un prêt à coût nul, remboursable dans vingt ans et sur les vingt années suivantes. « Nous avons sollicité l’argent de la Banque européenne d’investissement, ce qui est inédit, se félicite Pierre-René Lemas, le président de la Caisse des dépôts. C’est une quasi-subvention qui renforce les fonds propres des bailleurs et nous avons d’ailleurs enregistré des demandes pour plus de 6,5 milliards d’euros. »

« Devant la demande très forte, qui traduit la dynamique du monde HLM, nous avons décidé avec le président de la République de porter cette enveloppe à 3 milliards d’euros, soit 1 milliard de plus que prévu », a annoncé Manuel Valls mardi. « C’est très bien, ces financements innovants, mais une dette, même à coût nul, est une dette qu’il faut rembourser », a réagi Philippe Dallier, sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis, qui s’inquiète de « la soutenabilité du système ».

Mais les résultats sont là : la construction de logements sociaux va passer de 110 000 unités en 2015 à 140 000 en 2016, un niveau que l’on n’avait pas vu depuis 2010, a rappelé Jean-Louis Dumont. « Un logement neuf sur trois est donc social et financé par la Caisse des dépôts », remarque M. Lemas.

« Casser les ghettos »

Une autre marge de manœuvre du gouvernement est la baisse, annoncée par François Hollande au congrès HLM de 2015, de la commission des banques pour la gestion du Livret A, de 0,4 % à 0,3 %, qui devrait dégager, chaque année, 170 millions d’euros supplémentaires. Une partie, environ 70 millions d’euros, sera consacrée à baisser les loyers dans les immeubles chers pour y installer les locataires les plus modestes. C’est là une volonté nouvelle du gouvernement, apparue après les attentats de 2015, de « casser les ghettos », selon l’expression de Manuel Valls qui, il l’a redit mardi à Nantes, en fait « un combat personnel ».

La loi égalité et citoyenneté, en cours de discussion au Parlement, renforce ainsi le rôle des organismes HLM en direction des ménages les plus modestes, en bouleversant notamment le mode d’attribution des logements et en imposant des quotas pour les publics prioritaires. Le monde HLM n’ose pas critiquer ouvertement ces orientations, mais son malaise est sensible et, dans les allées du Congrès, on critique la complexité de la mise en œuvre de ces quotas et l’instabilité législative.

Le premier ministre s’est aussi attaché à dénouer un point de crispation : le financement de la rénovation des 474 quartiers prioritaires de la Ville, où les organismes HLM gèrent 1,2 million de logements. « Les responsables HLM m’alertent sur la dégradation du fonctionnement de ces quartiers et de la vie quotidienne de leurs habitants, a alerté le président de l’USH. Or, la rénovation, ça marche et ça satisfait les habitants. » Le nouveau programme de rénovation urbaine n’est doté que de 5 milliards d’euros, apportés à 95 % par Action logement, qui collecte la participation des employeurs, et il en faudrait le quadruple. Le premier ministre l’a concédé : « Oui, il faut un retour de l’Etat dans les finances de l’Agence nationale de la rénovation urbaine », une proposition chaudement applaudie mais qui n’est assortie d’aucune précision sur ses modalités, son montant, ses échéances.

De leur côté, les HLM sont très attendus sur la modernisation et la clarification des procédures d’attribution. Jean-Louis Dumont a annoncé l’ouverture prochaine d’un site accessible au public où les organismes HLM publieront leurs offres de logements vacants et collecteront les candidatures, désormais cotées pour être prises en compte avec plus d’objectivité, ce qui devrait contribuer à faire taire les soupçons d’opacité des procédures. « Cela ne résoudra pas le problème des files d’attente et le manque de logements. C’est un gadget ! », juge, de son côté, M. Jacquemart.