Manuel Valls et Philippe Richert, le président des région de France à Reims, le 29 septembre. | FRANCOIS NASCIMBENI / AFP

Manuel Valls a annoncé un changement d’ampleur pour les régions, jeudi 29 septembre. S’exprimant devant le congrès des Régions de France réuni à Reims, le premier ministre a affirmé qu’à partir du 1er janvier 2018, l’Etat ne financera plus directement les régions : elles toucheront une part de la TVA.

« C’est indiscutablement une bonne mesure », a commenté Philippe Richert, président des Régions de France - nouvelle appellation de l’Association des régions de France. Une mesure dont l’Etat espère qu’elle pourra porter ses fruits, analyse Patrick Le Lidec, chercheur en science politique au Centre d’études européennes de Sciences Po.

Pourquoi les régions se félicitent-elles de ce changement de mode de financement ?

Patrick Le Lidec : Pour trois raisons. Le premier motif de satisfaction pour les élus régionaux est de ne pas avoir à porter l’impopularité de l’impôt. Pour financer l’élargissement de leurs compétences, le gouvernement leur avait initialement proposé la création d’une taxe spéciale d’équipement, qui les aurait placées en première ligne devant les électeurs. L’Association des régions de France a refusé cette proposition et obtenu un partage du principal impôt d’Etat, la TVA, ce qui n’est pas du goût de Bercy.

Le second motif de satisfaction tient à la prévisibilité et au rendement de la TVA. C’est un impôt dont la croissance s’est révélée historiquement forte, et dont on peut penser que l’assiette continuera de croître de manière dynamique, comme la consommation, au cours des prochaines années. De manière sûrement plus dynamique que les dotations versées par l’Etat, qui baissent chaque année depuis 2014.

Le troisième motif est davantage d’ordre symbolique. L’attribution aux régions d’une fraction d’un grand impôt national, comme la TVA, est un mode de financement courant dans des pays fédéraux, comme l’Allemagne ou l’Espagne. Cela peut leur laisser penser qu’elles sont sur la bonne voie.

Pourquoi l’Etat fait-il ce geste aujourd’hui ?

Cela s’inscrit dans la volonté du gouvernement de faire en sorte que les régions fassent le maximum en termes de formation professionnelle et de retour à l’emploi. Si le jeu est aussi ouvert aujourd’hui, c’est précisément parce que le gouvernement sait qu’il est dépendant de ce que feront les régions. Avec ce geste, il tente de leur donner confiance en l’avenir afin qu’elles fassent des efforts de leur côté. Dans ce dossier, l’Etat sait qu’il ne pourra pas gagner seul.

S’agit-il vraiment d’un « nouveau chapitre de la décentralisation », comme l’a dit jeudi Manuel Valls ?

Oui, c’est un effort de décentralisation, mais il faut rester prudent car on ne peut préjuger de ce que fera le prochain gouvernement. Certes, on leur transmet une fraction d’un impôt dynamique, mais cela ne dit rien de l’évolution de leurs marges de manœuvres budgétaires à l’avenir. Elles pourraient subir une baisse de leurs autres sources de financement ou voir leurs compétences évoluer à la hausse. Si les régions devaient hériter de nouvelles compétences, sans nouvelles recettes, le gain d’assiette serait alors vite absorbé.