Nathalie Kosciusko-Morizet, au conseil national du parti Les Républicains, à Paris, le 13 février 2016. | ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE POUR "LE MONDE"

« Mon principal défaut ? Je suis chiante ! », dit-elle en plaisantant au volant de sa voiture, en fonçant à toute allure vers Fontainebleau (Seine-et-Marne) où elle doit visiter une start-up et tenir une réunion publique. Nicolas Sarkozy, qui l’a évincée de la direction du parti Les Républicains en décembre 2015, en raison de ses prises de position trop souvent divergentes, ne dit pas le contraire : « C’est une tête de mule », peste-t-il en privé. Nathalie Kosciusko-Morizet, elle, assume. Et tente de faire de son caractère son atout au moment de se lancer, à son tour, dans la course à l’Elysée.

La députée de l’Essonne, qui rêve d’être la première femme présidente de la République, a annoncé sa candidature à la primaire de la droite et du centre, mardi 8 mars, au « 20 heures » de TF1, avant d’avoir « un échange convivial » avec ses partisans, le soir même, dans un pub du 6e arrondissement de Paris. La date n’a pas été choisie au hasard : le 8 mars est la journée internationale des droits des femmes, et son livre, Nous avons changé de monde (Albin Michel, 256 p., 15 €), où elle expose les raisons de sa candidature, sort le 9 mars.

Celle que Jacques Chirac appelait « l’emmerdeuse » revendique sa liberté de parole. Minoritaire dans son parti, elle se présente comme la seule responsable de droite ayant le courage de tenir tête à l’ancien chef de l’Etat. A l’entendre, ce serait son principal atout face à ses rivaux : « Moi, je n’hésite pas à dire ce que je pense et je suis la seule à l’ouvrir contre Sarkozy », se félicite-t-elle, en rappelant son opposition au « ni-ni » lors des régionales de décembre 2015 ou à la déchéance de nationalité.

« Moi, je m’en fous d’être minoritaire à un moment donné ! Cela ne signifie pas qu’on a tort sur le long terme » Nathalie Kosciusko-Morizet

A ses yeux, les autres candidats à la primaire ne seraient que des « hypocrites ». Dans son viseur : Bruno Le Maire, accusé de se laisser aller à « des revirements purement électoralistes », ainsi qu’Alain Juppé et François Fillon, à qui elle reproche de ne pas oser voter contre les options de M. Sarkozy en bureau politique « pour ne pas se retrouver minoritaires ». « Moi, je m’en fous d’être minoritaire à un moment donné ! Cela ne signifie pas qu’on a tort sur le long terme », lâche-t-elle, avant d’expliquer, dans une langue qui n’appartient qu’à elle, qu’elle est « en mode greffage de couilles » avec ses collègues qu’elle juge trop timorés…

« A un moment, cela bougera »

A 42 ans, NKM présente sa rupture avec l’ancien chef de l’Etat comme un élément fondateur. « Au moins, désormais, je suis libre et n’ai plus Sarkozy qui me dit : “Tu as de l’audience car tu es numéro deux du parti !” » Elle lui reproche d’être « devenu monobloc » et d’avoir voulu « épurer le parti, en virant tous ceux qui ne partagent pas sa droitisation ».

Reste que son divorce avec le président de LR a renforcé son isolement en interne. Le manque de soutiens de cette solitaire, intimement persuadée de n’avoir besoin de personne et qui ne s’est jamais vraiment constitué de réseaux, reste son principal point faible. A part les conseillers de Paris Marie-Laure Harel et Jean-Didier Berthault, NKM n’est entourée que par Jérôme Peyrat, son directeur de campagne, le maire de Palaiseau (Essonne), Grégoire de Lasteyrie, et une petite équipe de près de 25 personnes qui planchent sur son projet. Mais aucun parlementaire n’est estampillé « NKMiste ».

S’appuyant sur son micro-parti La France droite, qui revendique près de 3 000 adhérents, elle dispose seulement de 70 « référents » sur tout le territoire. Sa priorité reste donc de rattraper le retard qu’elle a pris sur ses concurrents dans l’organisation de sa campagne. Alors que certains, tels MM. Le Maire et Fillon, structurent leurs réseaux depuis déjà plus de trois ans, elle, ne s’est concentrée sur l’organisation de sa « start-up » que ces derniers mois, en trouvant notamment un local de campagne carrefour de l’Odéon, à Paris.

Dans son parti, beaucoup doutent de sa capacité à réunir les parrainages nécessaires pour se présenter à la primaire (250 élus, dont au moins 20 parlementaires et 2 500 militants). « En apparence, c’est compliqué mais il y a un moment où cela bougera. C’est comme sur la déchéance de nationalité : au début, on était 5 contre, puis 20, puis 74 », se rassure celle qui n’avait pas été en mesure de recueillir les 7 924 parrainages d’adhérents requis pour briguer la présidence de l’UMP, fin 2012. Pour ne dépendre de personne, elle tente de séduire les élus non alignés, qui l’ont suivie dans sa croisade contre le projet de révision constitutionnelle.

« Faire vivre le débat »

Son sort semble en réalité dépendre de M. Sarkozy, qui pourrait demander à des élus de la soutenir, afin qu’elle grappille des voix à Alain Juppé, au premier tour, chez les électeurs modérés. Pour l’instant, il ne paraît toutefois pas disposé à l’aider. « Ministre, secrétaire d’Etat, porte-parole… C’est moi qui l’ai faite ! Désormais, on va voir si elle est encore quelqu’un sans moi », a-t-il récemment fulminé devant un proche. A l’entendre, son ex-alliée n’aurait pas encore le niveau pour jouer dans la cour des grands : « Elle est un syndrome de la dérive de la primaire car ce système donne l’impression à tout le monde qu’il peut avoir un rôle central, une dimension nationale. »

Dans les différentes écuries, on n’imagine pas la primaire sans cette polytechnicienne, mère de deux enfants. « Son atout majeur, c’est qu’il faut une femme dans la primaire pour ne pas donner une image ringarde à cette élection », résume un député LR. Un argument porteur, selon M. Peyrat : « Quand je contacte les parlementaires, je ne leur demande pas de voter pour NKM à la primaire, mais de lui permettre d’y participer, car cela permettrait de faire vivre le débat. »

La défaite de NKM à Paris, lors des municipales de 2014, a interrompu sa trajectoire ascendante

En bonne ambitieuse, NKM juge nécessaire de figurer sur la ligne de départ de la primaire pour être au cœur du jeu en 2017 et prendre date pour l’avenir. Avec l’idée de s’implanter durablement dans la cour des futurs présidentiables. Se plaçant dans le camp des « visionnaires » face aux « réactionnaires », l’ex-ministre de l’écologie présente ainsi sa différence : « Les autres sont restés dans la vision de l’homme providentiel et d’une société conservatrice. Pas moi », explique-t-elle, en exposant son projet libéral dans le domaine économique (fin des 35 heures, retraite à 65 ans, fin du statut généralisé de fonctionnaires et politique pro-entrepreneurs) et sociétal (pour le mariage pour tous et la PMA mais contre la GPA).

« Elle est sans filtre »

Créditée en moyenne de 5 % des intentions de vote à la primaire, elle sait ne pas être en mesure de l’emporter. Depuis l’échec de M. Sarkozy en 2012, elle a perdu du terrain par rapport à ses rivaux de sa génération, en particulier Bruno Le Maire, qui a pris la tête des « quadras ». Sa défaite à Paris, en 2014, a interrompu sa trajectoire ascendante : dans son camp, nombre d’élus lui ont alors reproché son côté « cassant » et son « manque d’empathie ».

« C’est une tueuse assumée, qui s’est imposée dans un monde d’hommes, observe Pierre-Yves Bournazel, élu LR au conseil de Paris. Elle n’a peur de rien ni de personne. Elle cultive la modération sur le terrain des idées mais veut toujours être dans la démonstration de force avec les autres. » En témoigne l’opposition frontale qu’elle mène face à Anne Hidalgo au conseil de Paris.

En témoigne, aussi, son attitude sur le terrain. A un journaliste qui lui pose une question sur un jouet pour enfant devant lequel elle s’extasie, elle répond sèchement : « Vous ne savez pas ce que c’est que de travailler en élevant des enfants en même temps ! » « Elle est sans filtre », admet son entourage. « Elle ne fait guère de concessions, concède le député (LR, Charente-Maritime) Dominique Bussereau, mais c’est sa seule manière de survivre dans ce milieu hostile. »