Quel est le bilan de la mission Rosetta autour de la comète Tchouri ?
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Finir en beauté. Tel est le but de l’ultime phase de la mission spatiale Rosetta de l’Agence spatiale européenne (ESA). Cette sonde doit s’écraser, vendredi 30 septembre vers 13 h 30, sur la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko pour, pendant la dizaine d’heure de la chute libre, enregistrer d’ultimes propriétés de ce corps sombre et froid qu’elle scrute depuis plus de deux ans.

Les Européens sont les premiers à survoler aussi longtemps une comète, y compris dans son passage au plus près du Soleil lors du déploiement de la fameuse queue brillante. Ils sont aussi les premiers à s’y être posés, lorsque le 12 novembre 2014 la sonde Rosetta a largué Philae, un module bardé de capteurs, à la surface de « Tchouri ».

« Nous l’avons fait pour la science ! », a lancé Matt Taylor, le responsable scientifique de la mission, jeudi 29 septembre à Darmstadt, dans le centre opérationnel de l’ESA. C’est que les comètes sont faites du matériau le plus ancien du système solaire, vieux d’environ 4,6 milliards d’années. Elles racontent donc comment les planètes ont pu se former et évoluer. Elles pourraient même dire comment la vie est apparue sur Terre. A condition de les faire parler… C’est le but de Rosetta, dont le nom fait allusion à la pierre de Rosette qui a permis de déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens.

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Œil triste, œil joyeux

La moisson de données est déjà impressionnante, après des dizaines d’orbites de la sonde de quelques kilomètres d’altitude à plusieurs centaines, et les deux jours et demi de fonctionnement de Philae sur la surface.

« J’ai un œil triste et un œil joyeux », témoigne Kathrin Altwegg, responsable de l’instrument Rosina à l’université de Berne, qui a détecté une soixantaine de gaz différents émis par la comète. L’œil triste est pour l’arrêt des opérations. L’œil joyeux, pour tout ce qu’il reste à découvrir. « Nous n’avons analysé que 5 % des données », confirme Andre Bieler, également de l’expérience Rosina.

D’ores et déjà, le portrait qui se dessine de cette comète est bien différent de celui attendu. Les chercheurs attendaient un corps en forme de patate, ils en ont eu un en forme de « canard » avec tête, cou et corps. Ils voyaient les comètes comme des boules de glace sales, les voici avec le contraire, une matière très sombre contenant de la glace. Qui plus est à 75 % faite de vide.

Des questions demeurent

Des falaises à pic de 200 mètres de haut, des puits larges et profonds de 100 mètres, des blocs isolés de 50 mètres de diamètre, des régions fracturées ou au contraire lisses avec des sortes de dunes, sont apparues… Des jets de gaz et de poussières puissants et étroits ont jailli devant les caméras. Des molécules inconnues jusqu’alors autour d’une comète ont été identifiées : de l’oxygène, de l’argon, du propane, de la glycine…

Surtout, la matière organique qu’elle recèle fascine. « Les comètes ne contiennent pas la vie mais elles ont pu commencer le processus qui l’a rendu possible », a expliqué Kathrin Altwegg à Darmstadt. Les instruments ont en effet repéré, sans les identifier, pléthores de macromolécules à base de carbone, d’oxygène, d’hydrogène et d’azote, qui pourraient servir de briques à de la biochimie.

Bien des questions demeurent, comme le lieu de la formation de ces comètes ou la manière dont de petites poussières de quelques micromètres sont devenues des blocs de 4 kilomètres.

La dernière plongée apportera encore son lot d’images et d’informations sur la vitesse d’éjection des poussières, le champ magnétique, la gravité… « Peut être trouverons-nous de nouveaux animaux », espère Kathrin Altwegg, en désignant ainsi des molécules chimiques non encore détectées. « Sans doute que de nouvelles questions arriveront ! », estime Matt Taylor.

Les premières images doivent être diffusées dans la matinée et se succéder jusqu’au crash final.