Lors de la messe spéciale pour la réouverture de Saint-Etienne-du-Rouvray, le 2 octobre. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Pour la première fois depuis le 26 juillet, les cloches de l’église de Saint-Etienne du Rouvray ont carillonné, dans l’après-midi du dimanche 2 octobre. Le lieu avait rouvert ses portes quelques heures plus tôt pour accueillir une cérémonie, précédée d’un rite pénitentiel de réparation, destinés à rendre au culte l’église profanée, deux mois après l’assassinat par deux djihadistes du père Jacques Hamel.

Au terme de cette messe dominicale inédite, sécurisée par un important dispositif policier, Mgr Dominique Lebrun, l’archevêque de Rouen, a annoncé que le pape François avait donné son accord pour raccourcir le délai d’ouverture d’une enquête officielle en vue de la béatification du père Hamel. « C’est exceptionnel, a-t-il commenté devant la presse. C’est un geste de consolation et d’engagement vis-à-vis des paroissiens qui en avaient fait la demande au Pape lors d’une audience le 14 août à Rome. »

« Laver ce qui a été souillé »

En présence d’un millier de personnes, dont une petite partie seulement a pu pénétrer dans l’édifice, l’archevêque avait auparavant présidé une cérémonie qui devait « réparer l’offense » que furent non seulement l’assassinat du père Hamel, prêtre auxiliaire de 85 ans, et la blessure infligée au paroissien, Guy Coponet, 87 ans, mais encore les atteintes aux quatre symboles que sont l’autel poignardé, la croix arrachée, le grand cierge brisé et le chapelet de la Vierge Marie retiré.

Le rite de réparation a consisté en une aspersion des murs, du sol de l’église « pour laver ce qui a été souillé », et une demande de pardon des chrétiens « pour tous les pêchés du monde, pour leurs propres pêchés et pour tous les autres », a insisté Mgr Lebrun : « Les chrétiens ne peuvent demander pardon pour les autres s’ils ne demandent pas pardon pour eux-mêmes ».

Dans son homélie, l’archevêque de Rouen s’est d’abord adressé aux Stéphanais devenus « les témoins des croix du monde, celles des pays exploités et bombardés, celles des familles déchirées ».

« Les assassins ont donné de multiples coups de couteaux sur l’autel. Je ne sais pas pourquoi. Je sais simplement qu’ils ont visé juste, si j’ose dire. C’est bien l’autel du sacrifice de Jésus dans lequel est consommé notre péché. »

La sœur Danielle, l’une des trois religieuses qui ont échappé au couteau des assassins ainsi que Guy Coponet, grièvement blessé à la gorge, ont lu des textes depuis les lieux mêmes où ils ont été agressés. 

A Saint-Etienne-du-Rouvray, lors de la cérémonie religieuse du 2 octobre. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Avant la cérémonie et la messe, le prélat avait été symboliquement accueilli sur la place de l’église par le maire communiste de Saint-Etienne du Rouvray, Hubert Wulfranc, après une procession partie du presbytère où vivait le père Jacques Hamel. Au soir du 26 juillet, Hubert Wulfranc avait dit, la voix brisée par l’émotion, son espoir d’être « les derniers à pleurer ».

Deux mois plus tard il a appelé à « être debout », que ça se traduise « en acte », tout en demandant que « rien ne s’efface » après un drame, « marque indélébile de notre mémoire nationale, notre mémoire commune ». « Le visage du Père Hamel s’identifie à celui du petit Aylan échoué sur une plage turque. Ce sont des symboles qui doivent nous faire réfléchir, invitent à l’intelligence, à être curieux de tous les savoirs », a demandé le maire de Saint-Etienne du Rouvray.

« Rien à voir avec l’Islam »

Dans la foule qui a accompagné la procession et suivi la messe sur un écran géant, l’atmosphère était au recueillement alors qu’un imposant dispositif de sécurité était déployé avec de nombreux policiers lourdement armés.

La plupart étaient des Stéphanais, paroissiens ou citoyens sans croyance. « Il m’a marié et baptisé mon fils », n’oublie pas Nathalie, 43 ans, en pensant au père Hamel. Elle refuse l’anathème sur la communauté musulmane, car dit-elle, « les guerres de religion il y en toujours eu ».

Si des responsables du culte musulman étaient dans l’assistance, peu d’anonymes musulmans avaient fait le déplacement. Ceux qui étaient là voulaient une nouvelle fois montrer leur indignation : « Daech, ça n’a rien à voir avec l’Islam », se désolait Mustapha en quête du lieu de sépulture du père Hamel pour aller « enfin » s’y recueillir. Philippe, retraité, était lui venu de Paris « exprimer sa solidarité avec ce qu’a vécu Saint-Etienne du Rouvray. Je suis blessé comme je le suis pour ce qui se passe à Alep ».