« Ocean-Warrior » à Amsterdam, le 27 septembre 2016. | EMMANUEL DUNAND / AFP

Les baleiniers japonais qui attendent l’été austral pour partir, début décembre, pour trois mois de chasse au cétacé dans les mers du Sud n’ont qu’à bien se tenir. La Sea Shepherd Conservation Society (SSCS) s’apprête à lancer à leurs trousses son nouveau vaisseau amiral, le flambant neuf et ultra-rapide patrouilleur Ocean-Warrior, avec l’ambition affichée de mettre un point final à leur activité illégale.

« Ocean-Warrior est l’arme qui nous manquait depuis dix ans, se réjouit Alex Cornelissen, 48 ans, capitaine et directeur exécutif de Sea Shepherd Global, la branche internationale de l’organisation de protection de la vie sous-marine basée à Amsterdam. Nous disposons désormais d’un navire plus rapide que n’importe quel bateau de braconnage en haute mer. Nous pourrons les suivre partout, voire leur fausser compagnie s’ils deviennent trop agressifs. »

Des femelles enceintes capturées

Fondée en 1977 par le Canadien Paul Watson, Sea Shepherd s’est fait une spécialité de lutter contre toutes les formes de pêche illégale. Depuis plus de dix ans, l’ONG tente – entre autres – de barrer la route aux pêcheurs japonais qui, sous couvert de recherches scientifiques et malgré un moratoire mondial datant de 1986, traquent les cétacés jusque dans leur sanctuaire de l’océan austral et en commercialisent la viande.

L’organisation environnementale a cru la parade trouvée lorsqu’en mars 2014 la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, organe judiciaire des Nations unies, a jugé que l’étude de l’évolution des baleines dont arguait le Japon était détournée à des fins commerciales. Tokyo a alors accepté de cesser ses « recherches » létales pour la saison 2014-2015, mais l’Institut de recherche japonais sur les cétacés est revenu à la charge dès novembre 2015, proposant à la Commission baleinière internationale (CBI) de réduire à 333 baleines de Minke – contre 1 050 auparavant – son objectif annuel de pêche pour douze ans. Les harpons sont ainsi ressortis le 1er décembre 2015. « Sur ce quota, la moitié des baleines capturées étaient des femelles enceintes », affirme M. Cornelissen, qui compte enrayer le massacre avec Ocean-Warrior.

Avec son pavillon à tête de mort, trident et houlette de berger hissé haut, c’est le premier bateau jamais construit par Sea Shepherd qui dispose d’une flotte totale de huit unités. Long de 54 m, ce bâtiment en aluminium à l’étrave effilée évoque les navires de guerre. Il a été construit sur le modèle des ravitailleurs de plates-formes pétrolières pour 8,3 millions d’euros, grâce à un financement de loterie nationale néerlandaise qui reverse une partie de ses recettes à des associations de protection de l’environnement.

Guerrier des océans

Alex Cornelissen, le directeur exécutif de Sea Shepherd Global, dans la salle des moteurs de « Ocean Warrior », le 27 septembre 2016. | EMMANUEL DUNAND / AFP

Son poste de pilotage futuriste entièrement cerné de pare-brise permet d’exercer une surveillance à 360 degrés tout en restant à l’abri. Il dispose d’un puissant canon à eau rouge pour aveugler les braconniers et décourager toute velléité d’abordage, et d’une plate-forme d’hélicoptère. Mais le « guerrier des océans » est surtout un bolide. Selon les conditions météorologiques, il peut atteindre de 27 à 30 nœuds (de 50 à 55 km/h). Ses quatre moteurs doublés d’un système de propulsion hybride lui permettent une consommation de carburant plus modeste et une réduction des émissions de CO2. Autant d’innovations qui permettront à l’équipage de ne pas couper le chauffage lors de ses glaciales missions.

« C’est le jeu du chat et de la souris, explique M. Cornelissen. Pour empêcher le treuillage du cétacé capturé depuis le bateau harponneur vers le navire usine équipé pour le dépecer et le mettre en boîtes, nous devons nous placer derrière ce dernier, mais, jusqu’ici, les harponneurs qui marchent à 20 nœuds [37 km/h] nous repéraient souvent avant qu’on ne trouve leurs navires-usines, beaucoup plus lents. »

Cette bataille a été jalonnée d’affrontements parfois violents. Comme en janvier 2010, quand l’Ady Gil, un trimaran de 24 m de Sea Shepherd, a sombré quelques heures après une collision avec un baleinier nippon, les torts semblant être partagés par les capitaines des deux navires… « On nous traite parfois de terroristes, mais les terroristes sont ceux qui détruisent la nature, se défend le capitaine Cornelissen, qui estime que l’ONG a sauvé 5 000 baleines en dix ans. Et nous nous chargeons de leur faire respecter la loi car les Etats ne s’y risquent pas afin de préserver leurs relations économiques et commerciales avec le Japon. »

Ocean-Warrior a levé l’ancre, lundi 3 octobre, après une semaine d’escale à Amsterdam occupée à des visites guidées destinées au public et aux médias. Il fait route directe vers Melbourne (Australie), qu’il devrait atteindre en cinq semaines afin de procéder aux derniers réglages nécessaires à cette onzième campagne de protection des baleines. L’opération a été baptisée « Némésis », du nom de la déesse grecque de la colère et du retour à l’équilibre.