Theresa May, la première ministre britannique, lors du congrès du Parti conservateur, le 2 octobre, à Birmingham. | ADRIAN DENNIS / AFP

Editorial du « Monde ». Avant le référendum de juin, qui vit le Royaume-Uni décider à une nette majorité (52 %) de quitter l’Union européenne, Theresa May n’avait pas d’opinion très arrêtée sur l’Europe. Ministre de l’intérieur dans le gouvernement de David Cameron, elle était fortement eurosceptique. Sans se mettre en avant, elle s’est prononcée contre le Brexit. Aujourd’hui, la première ministre conservatrice organise le Brexit en se laissant des marges de manœuvre. C’est de bonne guerre, et cela impose aux Vingt-Sept de savoir ce qu’ils veulent.

Prenant la parole, dimanche 2 octobre, devant le congrès du Parti conservateur réuni à Birmingham, elle n’a été claire que sur un point : son calendrier. Elle actionnera avant la fin mars 2017 l’article 50 du traité européen de Lisbonne qui lancera la procédure de divorce. Même si on sera alors à quelques semaines du scrutin présidentiel en France et à quelques mois des élections générales en Allemagne, les Européens comme les Britanniques se félicitent de la décision de Mme May. Il fallait bien se décider à entrer dans cette séquence difficile et sans précédent qu’est la sortie d’un membre de l’UE.

Portant haut et fort le drapeau d’un pays appelé à devenir « Global Britain », Mme May, dont le ton naturel n’est pas le lyrisme, a eu les accents de ceux des conservateurs qui sont partisans d’un Brexit dur : on rompt tous les liens avec l’UE. Seulement si elle avait la musique, le livret reste à rédiger. Elle a semblé se prononcer catégoriquement en faveur d’un retrait du pays du marché unique européen. L’accès à ce marché est conditionné à la libre circulation des ressortissants des Vingt-Huit au sein de l’Union – ce dont une majorité de Britanniques ne voudrait plus.

Définir une ligne claire

Mais elle n’a pas dit que le Royaume-Uni se retirerait de l’union douanière – ce dont les milieux d’affaires, à commencer par la City, ne veulent surtout pas. A quelles conditions continuer à commercer librement avec l’UE ? Ce sera l’un des sujets de la négociation qui doit s’amorcer après le déclenchement de l’article 50. Pour les Britanniques, l’enjeu est énorme et se chiffre en dizaines de milliers d’emplois, à perdre ou à conserver. Chinois, Japonais, Indiens, Américains sont prêts à reconsidérer leurs investissements au Royaume-Uni s’ils ne sont pas assurés d’avoir un accès libre au marché européen. En contrepartie de cette facilité, que demandera l’UE ?

Les pourparlers peuvent durer deux ans – et même plus – durant lesquels les Britanniques restent membres à part entière de l’UE. D’ici à mars, il reste six mois, et Mme May aimerait bien sonder les Européens avant de leur présenter ses propositions. Les Vingt-Sept ont intérêt à définir une ligne claire, eux aussi. Si le Royaume-Uni veut une rupture totale, confiante dans ses capacités à devenir très vite une sorte de « Singapour sur Manche », la situation est simple. Les relations commerciales entre les deux parties seront régies par les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Si Londres veut un régime spécial, la difficulté est pour les Vingt-Sept : jusqu’où aller dans la définition d’un statut ad hoc sans inciter d’autres membres à agir comme les Britanniques ?

Le fond de la négociation dépend d’une question, observe un ancien haut responsable français : les Britanniques estiment-ils avoir encore quelque chose à faire en commun avec les autres Européens ? A Birmingham, Mme May s’est bien gardée d’aborder cette question clé.