Jeniffer Morel, figurante dans un clip de la chanteuse de hip-hop Rozetta Blanco, New Jersey, juillet 2013. | Brian Finke

Des revolvers postiches, des ongles fluo, du maquillage, des chaussures de strip-teaseuse dorées, des banquettes de velours rose, du strass et du lamé… Dans la série d’images de Brian Finke, tout est faux, clinquant, vulgaire. Du pur artifice. Et pour cause, ces images sont celles de décors et de costumes. Depuis deux ans et demi, ce photographe new-yorkais de 40 ans, installé à Brooklyn, écume les tournages de clips de hip-hop. Intrigué par cet univers et celles qu’on appelle les « hip-hop honeys » – les danseuses de ces vidéos –, il essaie vainement de contacter producteurs, monteurs, directeurs de casting. Un matin, il finit par recevoir un SMS lui donnant rendez-vous le lendemain dans un bar à cigares de Harlem, où se tourne un clip. S’ensuit une trentaine d’autres tournages. Certains sont de très grosses productions, avec des armées de figurants, des studios luxueux loués à la journée, des stylistes et une ribambelle d’habits, comme pour les rappeurs stars Jay-Z ou Busta Rhymes. D’autres se tournent avec seulement quelques centaines de dollars de budget : « On se retrouvait empaquetés dans des chambres d’hôtel minuscules, un coussin roulé contre le bas de la porte pour étouffer le bruit. »

Des détails et des stéréotypes

Finke choisit de se concentrer sur les détails : l’étiquette d’une robe de location, le côté un peu peep-show des lieux, le maquillage ou la coiffure qui rendent les danseuses méconnaissables. Sont ainsi révélées les coulisses d’un monde très codifié, où chacun interprète un rôle. Les filles se cambrent ou croisent les jambes avec excès, les garçons exagèrent la posture virile, jouent la carte du macho bourru, du pimp (maquereau), une figure récurrente du rap américain.

« Il ne faut pas oublier l’essentiel : c’est du divertissement et rien d’autre. » Brian Finke, photographe

Des stéréotypes qui suscitent de nombreuses critiques à l’encontre du hip-hop. Les femmes y seraient mal traitées, les hommes, grotesques. « D’abord, ce n’est pas le seul milieu où ça se passe comme ça, nuance Brian Finke. Et puis, il ne faut pas oublier l’essentiel : c’est du divertissement et rien d’autre. » Ajoutant : « Il n’y a aucune prétention. Mais tous veulent être vus, sortir du lot. » D’où l’attitude de ces danseuses qui font tout pour être remarquées, ne pas être cantonnées à gesticuler en arrière-fond et avoir droit à un gros plan. Au fond, rien n’a vraiment changé depuis les débuts de Hollywood, quand les aspirantes stars se grimaient en vamps ou en ingénues pour dépasser le statut de figurantes.

Sur Internet, ces « hip-hop honeys » sont l’objet de toutes les attentions. Des sites les répertorient, suivent leur carrière, l’évolution des tendances (plus ou moins de filles rondes qu’avant, davantage de blondes, laquelle a osé un piercing à tel endroit, telle autre un décolleté aussi échancré, etc.). Le phénomène existe également en France, même s’il est plus confidentiel, avec des jeunes femmes qui dansent dans les clips de Booba ou de Kaaris. Souvent mal payées, les « hip-hop honeys » profitent de cette mini-célébrité pour enregistrer des morceaux ou monnayer des apparitions dénudées dans les boîtes de nuit. Bref, tout pour percer. Sont-elles aussi extravagantes dans la vie qu’à l’écran ? « Pas vraiment. Quand la caméra ne tourne pas, elles sont toutes sur leur téléphone à poster sur Instagram. »