C’est dans une atmosphère extrêmement tendue que la commission de la justice et des droits humains de la chambre basse du Parlement polonais (SEJM) a rejeté, mercredi 5 octobre, la proposition de loi d’organisations militantes « provie », soutenues par l’épiscopat, visant à interdire totalement l’avortement. Déposée par le député de la majorité ultraconservatrice du PiS (Droit et Justice) Witold Czarnecki, la motion de rejet du texte a été approuvée par quinze députés sur trente et un – un député s’étant abstenu.

Le texte doit revenir jeudi en session plénière du Parlement. La chambre basse pourra alors choisir de le rejeter définitivement ou de le renvoyer en commission parlementaire. Le groupe parlementaire PiS a dit qu’il se réunirait jeudi matin pour se consulter sur le futur vote. Auparavant, la porte-parole du groupe, Beata Mazurek, avait déclaré que les votes sur ce sujet se feraient sans discipline partisane, « en fonction de la conscience de chaque député ».

Conscient de l’extrême sensibilité du sujet, qui a amplement mobilisé les femmes lors de manifestations lundi à travers le pays, Jaroslaw Kaczynski, le chef du PiS, le parti au pouvoir, a décidé de mettre le holà à une proposition de loi dont son parti n’était pas à l’origine, mais qui avait recueilli les signatures de près de 500 000 citoyens.

« Une leçon d’humilité »

« L’opposition ne tient pas à résoudre ce conflit ni à protéger le droit des femmes, mais à provoquer un scandale politique. Elle veut mettre en conflit le gouvernement avec les Polonais, a déclaré à l’issue du vote Beata Mazurek. Nous nous sommes prononcés de nombreuses fois contre la punition des femmes. » La proposition de loi prévoyait des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour les femmes, les médecins ou toute personne participant à la procédure d’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Avant même le vote, le ministre de la science et de l’enseignement supérieur, Jaroslaw Gowin, avait déjà donné des signes sur la position du parti. « Je voudrais rassurer ceux qui craignent que l’avortement soit totalement interdit en Pologne. A coup sûr, le projet d’interdiction totale ne passera pas. A coup sûr, l’avortement ne sera pas interdit en cas de viol ou quand la vie ou la santé de la femme sont menacées », avait-il déclaré. La manifestation de lundi a « fait réfléchir » la majorité et lui a donné « une leçon d’humilité », avait-il ajouté.

Mercredi soir, les organisations féministes criaient victoire. « Lundi la manifestation noire, mercredi le projet est rejeté. Toutes ensemble, nous sommes fortes ! », a commenté sur Twitter la porte-parole du parti libéral Nowoczesna (Moderne), Kamila Gasiuk-Pihowicz, qui avait fait du sujet son cheval de bataille.

Reste à savoir si la majorité conservatrice ne voudra pas donner certains gages aux organisations « provie » et à l’Eglise, en interdisant par exemple l’avortement en cas de handicap constaté chez le fœtus.

Des milliers de Polonaises en grève contre l'interdiction quasi totale de l'avortement
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