Une sélection à l’entrée du master sera instaurée dès la rentrée 2017. C’est le résultat d’un accord conclu mardi 4 octobre par la ministre de l’éducation nationale, les organisations étudiantes et les présidents d’université. Emmanuel Davidenkoff, rédacteur en chef de la rubrique Campus du « Monde », a répondu à vos questions sur ce qu’il reste des promesses de François Hollande sur la jeunesse lors de la campagne de 2012.

Audrey : Quel est le bilan de François Hollande en faveur des étudiants ? Je pense notamment à l’accord du 4 octobre qui vise à clarifier les possibilités de sélection en master…

Emmanuel Davidenkoff : Cette décision restera probablement comme une des plus fortes du quinquennat, même si elle a été prise sous la pression des tribunaux (les recours se multipliaient contre les conditions de recrutement en master). Pour le reste, le gouvernement est confronté à une forte augmentation des effectifs (+ 30 000 en cette rentrée) à laquelle les efforts budgétaires consentis (850 millions d’euros) ne suffisent apparemment pas à répondre.

Thierry Mandon, le secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, a estimé que « le système ne peut, durablement, accueillir des progressions de cette envergure sans des changements profonds ». Lesquels attendront la prochaine législature. Comme souvent en matière d’éducation ou d’enseignement supérieur, les chocs démographiques, pourtant largement prévisibles, n’ont pas été suffisamment anticipés.

Frédéric : Il semble se dessiner une tendance à une plus grande sélection à l’entrée des universités. Va-t-elle se généraliser ?

La ligne est de contester l’existence de cette tendance. La ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, prend grand soin d’éviter le mot « sélection » et défend la mesure prise sur les masters en insistant sur l’instauration d’un « droit à la poursuite d’études des étudiants après la licence ».

Si votre question est de savoir si la tendance s’étendra à la licence, la réponse est non sous ce gouvernement, non également si Alain Juppé est élu président. Les autres candidats de droite l’ont en revanche inscrite dans leurs programmes, de même que Marine Le Pen.

Lola : Est-ce que les politiques de Hollande ont permis une meilleure insertion des jeunes sur le marché du travail ?

Le taux de chômage des jeunes reste très important (23,7 % au 2e trimestre 2016), notamment comparé à celui que l’on observe en moyenne dans les autres pays européens (20 %). Si l’on s’en tient aux engagements pris par le chef de l’Etat – priorité à la jeunesse et inversion de la courbe du chômage –, c’est donc un échec. On peut néanmoins pondérer en se demandant si la situation ne serait pas encore pire sans, par exemple, les emplois jeunes, ou le service civique.

Gérard : Cinq ans n’est-ce pas trop court pour évaluer les politiques en matière de jeunesse ?

Cette remarque vaut particulièrement pour les politiques éducatives, moins pour les politiques d’emploi, qui sont en outre très liées à la conjoncture économique générale. En matière d’éducation votre commentaire est très juste : l’action d’un ministre, au fond, ne peut s’évaluer que bien après qu’il a quitté la rue de Grenelle (et à condition qu’une nouvelle réforme n’ait pas « écrasé » la précédente). De ce point de vue, le choix de faire se succéder trois ministres de l’éducation nationale en quatre ans n’aura peut-être pas été le plus heureux (ceci dit, sans porter de jugement sur les titulaires successifs du portefeuille).

Félix : Quel bilan peut-on tirer des contrats de génération ? Existe-t-il une étude évaluant leur coût et leur impact sur le chômage des jeunes et des travailleurs proches de la retraite ?

Sur le blog Luiprésident, qui a consacré un article à ce que François Hollande a vraiment fait pour la jeunesse, nous écrivions que « Mi-2015, seuls 40 000 contrats favorisant l’emploi d’un jeune de moins de 26 ans en CDI pour le maintien dans l’emploi d’un senior de plus de 57 ans avaient été signés, sur les 500 000 annoncés. » Ils étaient 57 000 début 2016. Autant dire que l’on est très loin des objectifs.

Mounzie : Sait-on si le chômage des jeunes est en particulier dû à la réticence des entreprises à embaucher ou s’il s’agit d’une incompatibilité entre la formation des jeunes et les besoins des entreprises ?

Non. Vous désignez deux facteurs déterminants, mais il semble difficile de dire qui de l’œuf ou de la poule est responsable…

Jean : La mobilisation étudiante lors de la loi travail n’acte-t-elle pas l’échec de la politique de M. Hollande auprès de la jeunesse ?

Je vous laisse décider si cette mobilisation, à elle seule, acte l’échec de François Hollande. Ce qui semble clair, c’est qu’elle participe fortement de la rupture de confiance. Entre cette loi, la loi Macron, l’affaire Leonarda en début de quinquennat et la déchéance de nationalité, il semble clair que François Hollande a perdu beaucoup de crédit sur un terrain central chez les jeunes : les valeurs.

Jean : S’agissant des inégalités scolaires, quel est le bilan de M. Hollande ?

Modeste… Le chef de l’Etat avait promis de diviser par deux le nombre de décrocheurs. Il est passé de 150 000 à 110 000. Mais l’attaque la plus virulente est venue du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) qui, dans un rapport publié le 27 septembre, décrit la « longue chaîne de processus inégalitaires » qui amène l’école à creuser les inégalités. Il critique également la politique d’éducation prioritaire : telle qu’elle est conduite, elle empile des dispositifs peu efficaces.

Le bac pro, qui a fêté ses trente ans, est également sur la sellette : près d’un bachelier pro sur deux arrêterait là ses études et ne trouverait pas d’emploi. Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’éducation nationale, a défendu l’action du gouvernement en rappelant les mesures prises pour l’école primaire, l’éducation prioritaire, la mixité sociale et la politique sociale.

Lionel : On parle beaucoup de politique vis-à-vis des jeunes. Pourtant, il y a des non-décisions qui sont plus terribles pour détruire la vie des plus jeunes. Les prix délirants des logements en sont un exemple…

La question du logement est une des plus aiguë, pour les étudiants en particulier et pour les jeunes en général. Une étude réalise par Century 21 montre, sans surprise, que les prix du logement étudiant épousent ceux du marché privé. Les seules solutions pour se loger à prix raisonnables consistent à s’éloigner des centres-villes ou des grandes villes… c’est-à-dire, bien souvent, de son lieu d’études.

Sur cette question comme sur tant d’autres, des mesures ont été prises. Mais elles demeurent insuffisantes (par exemple en matière de construction de logements étudiants) ou ne répondent pas à la problématique des étudiants : la Caution locative étudiante (Clé), reste ainsi peu utilisée.

Jean : Quelles sont les intentions de vote chez les jeunes après le quinquennat de M. Hollande ?

Le dernier sondage exclusivement consacré au vote des jeunes place Marine Le Pen en tête au premier tour, devant Alain Juppé. Jean-Luc Mélenchon devance même François Hollande. Au 2nd tour, les jeunes votaient Alain Juppé à 65 %. Mais ce sondage a été réalisé en mai 2016.

Unclejimmy : A partir de quand les bibliothèques universitaires resteront ouvertes plus tard ?

Bonne nouvelle pour les Bibliothèques universitaires (BU), elles arrivent cette année en tête du baromètre de la qualité de l’accueil dans les services de l’Etat. Sur les horaires, le plan « bibliothèques ouvertes » prévoit d’ouvrir au moins une bibliothèque dans chaque université jusqu’à 22 heures du lundi au vendredi, le samedi après-midi, ainsi que « pendant les périodes de révisions ». Il doit être mis en œuvre pleinement d’ici à 2019.