Le président de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, a annoncé, mardi 4 octobre, le report de l’élection présidentielle alors que son mandat expire à la fin de l’année. Le chef de l’Etat, qui s’exprimait en marge d’un déplacement en Tanzanie, a expliqué qu’il fallait mieux préparer le pays à ces échéances, arguant que jusqu’à 10 millions d’électeurs n’étaient pas inscrits sur les listes : « Nous avons décidé de repousser les élections pour éviter d’exclure un très grand nombre de gens, pour la plupart de jeunes électeurs. Jusqu’à 10 millions de personnes non inscrites pourraient passer à côté de la chance de voter. »

L’opposition accuse pour sa part Joseph Kabila, dont le mandat expire le 19 décembre et auquel la Constitution ne permet pas de se représenter, de manœuvrer pour s’accrocher au pouvoir.

Manœuvrer pour s’accrocher

Le 29 septembre, Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères, se disait très inquiet de la situation en RDC qu’il voyait « « au bord de la guerre civile… parce qu’il y a un président qui veut garder sa place alors qu’il n’a plus le droit de se représenter ». Dans une interview au Monde, lundi 3 octobre, Germain Kambinga, ministre de l’industrie de RDC, se voulait rassurant. « Nous ne sommes pas au bord de la guerre civile, a répondu l’ancien porte-parole du Mouvement de libération du Congo (MLC). Nous avons une opposition qui s’est radicalisée et qui prêche pour une logique de confrontation, ce que le président de la République ne veut pas. Nous avons payé une facture très importante pour acquérir ce que nous avons acquis ces dix ou quinze dernières années. Voilà pourquoi il est important de dialoguer. Tant qu’il y aura ce climat, il n’y a aucun risque d’embrasement… Ce que nous attendons de la communauté internationale, ce n’est pas de se mettre dans une posture de pression ou de Père Fouettard. »

Les différents partis de l’opposition se sont réunis mardi à Kinshasa pour définir une réponse à l’actuelle impasse politique. Dans un communiqué, ils ont réaffirmé que « le processus électoral était bloqué par la volonté de Joseph Kabila ». « Les institutions de la République sont protégées par notre Constitution, qu’il s’agisse du chef de l’Etat dans son mandat régulier ou qu’il s’agisse de ce qui est aujourd’hui une évidence, la prolongation du mandat en attendant l’organisation des élections, a déclaré Germain Kambinga. Il ne faut pas oublier que l’article 70 de notre Constitution est très clair là-dessus et la Cour constitutionnelle a déjà
statué sur la question. »

La Cour constitutionnelle

En mai, le président congolais avait obtenu de la Cour constitutionnelle, saisie par des députés de la majorité présidentielle, de se maintenir au pouvoir tant qu’un nouveau président n’aurait pas été élu.

Etienne Tshisekedi, principale figure de l’opposition, a prévenu que de nouvelles manifestations auraient lieu si JOseph Kabila ne quittait pas le pouvoir à l’expiration de son mandat. Une manifestation de l’opposition a été violemment réprimée le 19 septembre à Kinshasa, faisant une cinquantaine de morts selon différents bilans. « Nous regrettons les événements, d’autant plus que nous pouvions éviter tout cela, a reconnu Germain Kambinga. Nous espérons que nous allons très rapidement aboutir à un accord politique qui nous permettra d’avancer dans la paix, la sérénité et en préservant la stabilité de notre pays mais surtout les acquis constitutionnels. »

« Le 19 septembre nous avons donné un avertissement à M. Kabila. Le 19 octobre, nous allons lui donner un carton jaune. Un carton jaune cela signifie que le 19 décembre ce sera un carton rouge », a déclaré Etienne Tshisekedi.

Assassinat du père

Samedi, la commission nationale des élections a fait savoir qu’elle s’attendait à ce que le scrutin soit repoussé jusqu’en décembre 2018, soit avec deux de retard sur le calendrier initial.

Joseph Kabila a accédé au pouvoir après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré, en 2001. L’ancienne colonie belge n’a connu aucune transition pacifique depuis son indépendance, en 1960. A Paris, le ministère français des affaires étrangères a appelé mardi l’Union européenne à « utiliser tous les moyens », y compris des sanctions, pour empêcher une dégradation de la situation politique en RDC.

Ce que Washington a fait la semaine dernière en adoptant, le 28 septembre, des sanctions financières à l’encontre deux hauts responsables militaires de RDC, proches du président Joseph Kabila, le général-major général Gabriel Amisi Kumba, commandant des forces armées (FARDC) pour la première zone de défense du pays, et le général John Numbi, ancien inspecteur de la police nationale. Le communiqué du Trésor précisait : « Ces responsables, actuel et ancien, du gouvernement de la RDC se sont engagés dans des actions qui ont sapé le processus démocratique en RDC et réprimé les libertés et droits politiques du peuple congolais, risquant de répandre l’instabilité dans le pays, et plus largement dans la région des Grands-Lacs. »