Essais du Rafale sur le « Charles de Gaulle »  sur la mer méditerranée le 1er octobre. | ERIC FEFERBERG / AFP

Anil Dhirubhai Ambani, le patron du groupe Reliance ADA se frotte les mains. Lundi 3 octobre, sa division Reliance Infrastructure, cotée à la Bourse de Bombay, a annoncé la constitution d’une coentreprise avec Dassault Aviation, sous le nom de Dassault Reliance Aerospace (DRA). Le titre a aussitôt bondi de 8 %.

La nouvelle société entend être « un acteur clé » des investissements à venir de l’avionneur français en Inde. En échange de la plus grosse commande jamais enregistrée pour le Rafale hors de l’hexagone – 36 ont été commandés –, Dassault Aviation a en effet consenti à restituer sur place la moitié du montant total du contrat (590 milliards de roupies, soit près de 8 milliards d’euros).

En transferts de technologie d’une part, sous forme de contribution aux travaux de l’Organisation de recherche et développement du ministère indien de la défense, laquelle réfléchit notamment à la relance du programme Kaveri, un moteur turbo destiné originellement aux avions de combat Tejas. Ensuite, ce contrat prévoit aussi des contreparties industrielles de toutes sortes, désignées par les professionnels sous le vocable d’offsets. DRA espère ainsi capter en sept ans un chiffre d’affaires de 218 milliards de roupies (2,93 milliards d’euros). Ce volume d’activités pourrait donner du travail à environ deux cents sous-traitants, en générant 1 500 emplois directs et 9 000 indirects.

Des éléments assemblés à Nagpur

Découvrant ces chiffres, l’entreprise publique Hindustan Aeronautics Limited (HAL) a de quoi faire grise mine, car elle s’attendait initialement à tirer son épingle du jeu. Dans une première mouture échafaudée par le gouvernement précédent, dominé par le Parti du Congrès, le contrat des Rafale portait sur 126 appareils, dont 108 assemblés sur le sol indien, dans les ateliers de HAL à Bangalore, au Karnataka. Dévoilé en 2012, le projet avait été abandonné trois ans plus tard.

C’est finalement à Nagpur que certaines parties du Rafale verront le jour. Un lieu chargé de symboles. Troisième ville de l’Etat du Maharashtra, dont la capitale est Bombay, cette cité de 2,4 millions d’habitants est située en plein milieu du sous-continent et s’est rendue célèbre pour ses champs d’orangers et ses mines de charbon. Mais elle est surtout la ville natale de l’actuel chef du gouvernement local et le berceau du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps des volontaires nationaux), le mouvement paramilitaire hindou qui est à l’origine du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien), la formation du premier ministre, Narendra Modi.

Le groupe Reliance ADA a pris de l’avance : il a déjà acquis à proximité de la plate-forme aéroportuaire multimodale de Nagpur un terrain de 117 hectares de superficie, sur lequel il projette de construire une usine d’un peu plus de 400 000 mètres carrés. Bien que la production des 36 Rafale soit programmée à Mérignac, en Gironde, l’armée de l’air indienne ayant finalement opté pour un achat des avions « sur étagère », la coentreprise DRA prétend pouvoir fabriquer à Nagpur des morceaux de carlingue, plusieurs éléments des moteurs et de l’électronique embarquée. En attendant, elle a lancé le recrutement d’un directeur général, poste qui serait déjà convoité par sept prétendants. D’après une source proche du dossier citée par le quotidien économique Mint, « l’activité devrait y démarrer dans un an ».

Crédibilité en jeu

Dans son association avec Dassault Aviation, Reliance ADA joue sa crédibilité. Le groupe est né en 2005 après une dispute des frères Ambani sur des questions d’héritage. L’aîné, Mukesh, est l’homme le plus riche d’Inde, avec un patrimoine estimé par le magazine américain Forbes à 20,9 milliards de dollars (18,7 milliards d’euros). Il dirige Reliance Industries Limited, un conglomérat qui a fait fortune dans la pétrochimie mais qui est également présent dans la grande distribution et, depuis le mois de septembre, dans les télécoms, sous l’enseigne Jio. Aux commandes de Reliance ADA, le cadet, Anil, est présent dans les médias, les télécoms, la finance, l’énergie et le BTP. Il pèse actuellement 1 000 milliards de roupies de chiffre d’affaires (13,4 milliards d’euros) et emploie 100 000 personnes.

Ce n’est qu’en janvier 2015 que Reliance ADA s’est lancé dans le secteur de la défense, en achetant Pipavav Defence & Offshore Engineering, une société présente dans l’aéronautique, les sous-marins, les navires de guerre et les plates-formes pétrolières. Rebaptisée depuis Reliance Defence and Engineering, elle est elle aussi cotée à Bombay.