Dans une usine de fabrication d’emballages métalliques contenant du bisphénol A. | PHILIPPE DESMAZES/AFP

La Commission européenne est à nouveau épinglée pour son laxisme en matière de risques sanitaires. Réuni jeudi 6 octobre en séance plénière, le Parlement européen a adopté, à une large majorité (559 pour, 31 contre, 26 abstentions), une résolution non contraignante appelant Bruxelles à « harmoniser les exigences de sûreté pour les matériaux au contact des denrées alimentaires ».

Présents dans les emballages alimentaires, le matériel de cuisine, la vaisselle, les résines intérieures des conserves, etc., certains de ces produits sont retrouvés à l’état de traces dans la chaîne alimentaire et certains, à l’instar du bisphénol A (BPA), sont suspectés de présenter des risques sanitaires.

Un amendement au texte, déposé par des parlementaires de l’ensemble des groupes politiques – à l’exception d’Europe des nations et des libertés (extrême droite) –, demande en particulier l’interdiction du bisphénol A dans les matériaux au contact de l’alimentation.

« Nous devons faire en sorte que les matériaux qui sont en contact avec les produits alimentaires soient sûrs, a déclaré dans un communiqué la rapporteure danoise du texte, Christel Schaldemose (Alliance progressiste des socialistes et démocrates). La législation actuelle prévoit d’encadrer dix-sept substances, mais seulement quatre d’entre elles font pour l’instant l’objet d’une harmonisation au niveau européen. Les autres sont laissées à l’appréciation des Etats membres. »

Différents niveaux de protection

Selon les députés, la fréquence d’utilisation de ces matériaux et les risques qu’ils sont susceptibles de présenter pour la santé devraient conduire l’exécutif européen à établir « des mesures spécifiques » pour « le papier et le carton, les vernis et les revêtements, les métaux et les alliages, les encres d’impression et les adhésifs ».

Le manque d’harmonisation, a poursuivi Mme Schaldemose, « pose problème aux consommateurs, aux entreprises et aux autorités ». « Cela signifie que notre marché unique n’est pas unique : certains pays ont des niveaux de protection élevés, d’autres non, a-t-elle ajouté. Nous savons, grâce à différentes études, que certaines substances présentes dans les emballages sont dangereuses pour la santé. L’Union européenne devrait donc revoir la législation actuelle. La sécurité alimentaire doit signifier la même chose dans toute l’Union. »

La résolution adoptée n’a aucune valeur contraignante. Mais il sera difficile pour l’exécutif européen de l’ignorer. D’autant qu’elle intervient dans un contexte où plusieurs Etats membres – en particulier la Suède, la France, le Danemark –, mais aussi la médiatrice européenne, reprochent à la Commission son laxisme en matière de gestion des risques sanitaires.

Saisie par plusieurs Etats membres, le Conseil européen et le Parlement de Strasbourg, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné en décembre la Commission pour avoir « manqué à ses obligations », dans la mise en place d’une réglementation des perturbateurs endocriniens (bisphénols, phtalates, etc.) – une catégorie de substances qui altèrent le fonctionnement du système hormonal et sont suspectés de favoriser une variété de maladies chroniques et de troubles en augmentation (cancers hormono-dépendants, troubles métaboliques ou neuro-comportementaux, etc.).

Opposition de la France renforcée

Le cas du BPA est à cet égard emblématique. Interdit en France dans les contenants alimentaires depuis le 1er janvier 2015, il est toujours autorisé dans le reste de l’Union – à l’exception des contenants alimentaires destinés aux jeunes enfants. Le vote du parlement de Strasbourg renforce ainsi la position de la France, jusqu’à présent isolée sur ce dossier. Celle-ci a banni le BPA des contenants alimentaires sur la foi d’un rapport rendu en 2011 par son agence de sécurité sanitaire – l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) – dont les conclusions s’opposaient à celles de son homologue européenne – l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Si le vote des eurodéputés renforce le système d’évaluation des risques sanitaires français, en pointe sur ces sujets, il isole aussi un peu plus l’EFSA. « Les différentes réévaluations conduites par l’EFSA au cours de la dernière décennie n’ont pas traité de manière effective toutes les préoccupations sanitaires liées au BPA », précise ainsi l’amendement adopté.

L’agence européenne a toutefois rendu un avis en avril, préconisant une révision à la baisse d’un facteur 10 environ, des doses journalières tolérables de BPA (c’est-à-dire la quantité de produit qu’il est possible d’ingérer chaque jour sans risque).

La saga du BPA n’est cependant pas encore achevée, tant s’en faut. D’une part, les fabricants de plastique sont en effet vent debout contre la France et assurent que le BPA ne présente pas de risques. De l’autre, de nouvelles données toxicologiques devraient être disponibles en 2017. Elles pourraient clore (ou relancer) la polémique.