Christian Estrosi, président de la région PACA. | VALERY HACHE / AFP

La région Provence-Alpes-Côte D’Azur sera-t-elle la première à oser prendre un opérateur alternatif à la SNCF pour exploiter ses trains express régionaux ? C’est en tout cas l’orientation prise, mercredi 5 octobre, par Christian Estrosi, le président de la collectivité, dans une déclaration tonitruante. « Je romps toute négociation avec la SNCF pour la reconduction d’une convention qui avait été signée il y a dix ans et qui voyait son terme arriver en décembre prochain », a-t-il assuré lors d’une conférence de presse.

« J’engage l’accélération de l’ouverture à la concurrence dès 2019 », et « même avant si l’Etat le permet », a indiqué le président de la région, affirmant qu’il s’agissait d’une « première en France » et qu’il voulait faire de PACA une « région pilote » en la matière.

S’agit-il d’un vrai engagement ou d’un coup de pression politique sur la SNCF. En effet, la région conteste le devis de 291 millions d’euros établi par la compagnie de chemins de fer pour l’année en cours, estimant qu’il y avait « 36 millions de trop » au vu des « 86 trains en grève, annulés ou en panne de conducteur » depuis janvier dernier, selon M. Estrosi. Avec cette déclaration, il espère donc faire baisser la facture.

Multiples dysfonctionnements

Cependant, sur le fond, ce n’est pas franchement une surprise que PACA soit la première région à demander officiellement l’ouverture de ce marché. C’est qu’elle souffre depuis de nombreuses années de multiples dysfonctionnements : grèves à répétition, organisation du travail relativement lâche, accords locaux plus favorables qu’au niveau national, réseau ferroviaire saturé et en très mauvais état… Le tout au détriment des usagers des TER, car depuis plusieurs années, les retards ou les annulations de train s’accumulent, même si la ponctualité était en progression ces dernières années.

Quand Michel Vauzelle (PS) présidait la région, la collectivité faisait bloc avec les syndicats de l’entreprise publique pour reporter la responsabilité des dysfonctionnements sur le management de la SNCF. Passée à droite, elle change de ton et veut se défaire de la SNCF pour tenter un opérateur concurrent.

Reste que cela va encore prendre pas mal de temps si la région poursuit dans cette voie. Si le quatrième paquet ferroviaire, le nom de la directive européenne ferroviaire en cours d’adoption, fixe à partir de 2019 l’ouverture de la concurrence sur les réseaux subventionnés, comme celui des TER, une loi devra cependant encore autoriser la région à expérimenter cette ouverture de la concurrence.

De même, l’Etat n’a pas encore réglé la question du devenir des personnels. En cas de changement d’opérateur, ce dernier devra-t-il reprendre tous les salariés de la SNCF ? À quelles conditions ? En adoptant un cadre social commun en juin, le gouvernement a fait un premier pas pour unifier les conditions de travail, facilitant un transfert d’un opérateur à l’autre, il faudra encore beaucoup de discussions, notamment avec les syndicats, aujourd’hui toujours contre toute concurrence ferroviaire, pour mener ce sujet. De nouvelles grèves en perspective.

Gestion en régie

Pour instiller d’avantage de concurrence à la SNCF, PACA étudie dans un premier temps la création d’un groupement européen de coopération territoriale qui associerait au moins Monaco et la Ligurie, qui pourrait choisir son opérateur. La région évoque ouvertement Thello, filiale à 100 % de Trenitalia depuis l’annonce du retrait de Transdev du capital de cette société qui opère les trains de nuit entre Paris et Venise et des trains entre Marseille et Milan.

De même, elle étudie la possibilité d’une gestion en régie pour organiser certaines lignes de transport ferroviaire, « sur le modèle des chemins de fer de Provence » pour contrecarrer « le monopole de la SNCF ».

Christian Estrosi menace dans le même mouvement d’affaiblir le train dans sa région, malgré le projet en cours de discussion de création d’une ligne nouvelle en PACA pour désengorger le réseau actuel. Pour M. Estrosi, « le train n’est pas toujours le plus adapté, des offres alternatives sont à l’étude », indique-t-il, citant les « cars régionaux » et les « bus à haut niveau de service ».