Lycée Gabriel-Guist’hau, à Nantes, en 2012. | FRANK PERRY / AFP

Est-ce que débuter ses années lycée entouré de visages familiers joue sur les résultats scolaires ? « Oui », répondent les chercheurs Son Thierry Ly et Arnaud Riegert, dans une étude parue à la fin de septembre dans la revue ministérielle Education & Formations. Baisse de la probabilité de redoubler la seconde, hausse des orientations dans la voie générale, effets positifs sur l’obtention du bac trois ans plus tard : « Le fait de retrouver des camarades de classe de troisième dans sa classe de seconde a un effet bénéfique sur la scolarité », estiment-ils après avoir analysé une base de données de près de 3 millions d’élèves entrés en seconde entre 2004 et 2011.

« Reconstruire un nouveau réseau social »

L’arrivée au lycée général et technologique n’est pas toujours facile. Niveaux scolaire et d’exigences plus élevés, nouvel environnement de travail, souvent plus éloigné du domicile familial, plus grand et plus diversifié en termes d’origine des élèves : ce sont tous les repères des jeunes de 15 ans qui sont chamboulés. D’autant qu’il leur faut « reconstruire un nouveau réseau social », notent les auteurs de l’étude : en moyenne, chacun d’entre eux ne retrouvera que 1,7 camarade de troisième dans sa classe. Et ce, alors qu’au collège ils étaient en moyenne huit à rester ensemble d’une année sur l’autre.

Composition moyenne de classe d’un élève. | Depp

Une situation qui résulte du difficile travail de composition des classes de seconde opéré par les chefs d’établissement l’été précédent. Lequel doit prendre en compte un grand nombre de paramètres : « Equilibre de genres, de niveaux scolaires, contraintes liées à l’emploi du temps, aux disponibilités des salles, etc. », détaille l’étude.

Un « effet de familiarité »…

Son Thierry Ly et Arnaud Riegert ont basé leurs travaux sur la comparaison du devenir scolaire d’élèves de seconde aux profils similaires : même établissement d’origine, même classe, même langues vivantes et options, moyennes générales proches, même sexe, âge, etc. Résultat : les élèves qui conservent plus de camarades de classe de troisième ont une probabilité réduite de redoubler la seconde, et plus de chances d’obtenir leur baccalauréat trois ans plus tard. Et ce, quels que soient le sexe, les relations d’amitiés ou le niveau des camarades ainsi conservés d’une année sur l’autre.

Les chercheurs notent ainsi que chaque camarade de classe conservé supplémentaire diminue de 0,3 % le risque de redoubler la seconde, augmente de 0,5 % la probabilité de passer le baccalauréat « à l’heure » et de 0,4 % celle de l’obtenir. Et l’expliquent ainsi : « La présence de visages familiers dans sa nouvelle classe peut rassurer, même s’il ne s’agit pas de réels amis de collège, où s’il ne s’agit pas de bons élèves pouvant apporter une aide sur un plan purement scolaire. »

Plus important chez les élèves en difficultés

L’impact de cet « effet de familiarité » varie cependant selon le profil scolaire et social des élèves. Il est « quasi nul » sur les probabilités de redoublement des élèves qui ont obtenu les meilleurs résultats au diplôme national du brevet, alors qu’il atteint 0,9 % pour les élèves en difficultés scolaires.

De même, si les élèves issus des classes moyennes ou aisées « sont presque insensibles au nombre de camarades conservé », ceux issus des classes populaires voient leur probabilité de redoubler baisser de 1,5 %. La population des lycéens étant « en moyenne beaucoup plus d’origine aisée qu’au collège, selon les deux chercheurs, on comprend alors que ces élèves puissent ne pas se sentir à leur place et que la présence de visages familiers compte d’autant plus pour eux ».

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Une « attention particulière » à la composition des classes

Son Thierry Ly et Arnaud Riegert apportent toutefois deux réserves à leurs observations. La première réside dans le nombre de camarades de troisième retrouvés en seconde : « Dans notre échantillon, la majorité des élèves comptent entre zéro et quatre camarades de troisième dans leur classe. (…) On pourrait craindre que la conservation de plus grands groupes ait des effets négatifs, [entre autres en menaçant] la cohésion du groupe classe. » Par ailleurs, les effets ayant été démontrés sur la moyenne des élèves, « il reste possible que cet effet soit négatif pour certains élèves pris individuellement ».

En conclusion, Son Thierry Ly et Arnaud Riegert invitent donc les chefs d’établissement à accorder « une attention particulière » à la composition des classes, et plus particulièrement au « caractère essentiel du réseau social des élèves ». Et mettent en garde contre « les politiques qui provoquent des ruptures d’environnement social, comme les politiques de libre choix scolaires » et leurs « effets pervers ».