L’annonce, qui a suivi celle du déclenchement du Brexit d’ici au mois de mars, n’a rassuré ni les universités britanniques ni les étudiants étrangers qui envisagent d’étudier au Royaume-Uni : « Nous allons réfléchir à ce que nous pouvons faire pour que nos meilleures universités continuent à attirer les meilleurs talents, tout en imposant des règles plus strictes à ceux qui suivent des cursus de moindre qualité », a déclaré la secrétaire d’Etat chargé de l’intérieur britannique, Amber Rudd, mardi 4 octobre.

Selon la ministre, les règles actuelles auraient pour inconvénient majeur d’offrir à tous les étudiants, quelles que soient leurs compétences et la qualité de l’enseignement reçu, des perspectives d’emploi favorables dans le pays à l’issue de leurs études. Le gouvernement de Theresa May envisage donc, parmi ses mesures visant à réduire l’immigration, de lier le type de permis de séjour accordé aux étudiants étrangers à la qualité reconnue de l’établissement ou du cursus auxquels ils s’inscrivent, explique The Guardian.

« Fermer le pont-levis »

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Pour Sally Hunt, secrétaire général de l’University and College Union (UCU), qui représente les personnels universitaires, ce projet « équivaut à fermer le pont-levis et à envoyer le message qu’il n’y a plus rien à faire au Royaume-Uni » :

« Le gouvernement doit adopter une approche différente et aider les universités en ne tenant pas compte des étudiants étrangers dans les objectifs qu’il se fixe en matière d’immigration nette. »

Le député travailliste Paul Blomfield a, de son côté, qualifié les propos d’Amber Rudd de « spectaculairement mal informés ». « Les étudiants étrangers apportent 8 milliards de livres par an à l’économie britannique », a-t-il déclaré :

« Ils créent des dizaines et des centaines d’emplois dans tous les secteurs de l’économie, et l’éducation est l’un de nos produits d’exportation les plus cotés. Les seuls qui applaudissent à ces projets sont ceux qui se préparent à être nos concurrents. »

Craignant un « impact négatif » de la sortie de l’Union européenne pour l’enseignement supérieur, les députés britanniques ont lancé une enquête parlementaire visant à identifier les conditions préservant son rayonnement, annonce BBC News. « Notre souci doit être de continuer à attirer les étudiants les plus brillants en veillant à ce que les universités britanniques maintiennent leur rang parmi les meilleures du monde », a déclaré le conservateur Neil Carmichael. La commission, qui invite responsables universitaires, enseignants et étudiants a lui faire parvenir par écrit leurs observations sur son site Internet, se donne jusqu’au 11 novembre pour formuler des propositions. Et compte bien influer sur les négociations.

Défection massive des étudiants européens

L’impact du Brexit sur la venue des étudiants est en train d’être évalué, les inscrits pour l’année 2016-2017 n’étant pas obligés de se présenter avant le début d’octobre. Mais selon une enquête menée au début de septembre par The Wall Street Journal, ni à Oxford ni à l’Imperial College de Londres ni à la London School of Economics and Political Science on ne s’attendait à une défection massive des étudiants européens. Ceux-ci payaient jusqu’à présent les mêmes frais de scolarité que leurs camarades britanniques, mais rien n’est garanti à partir de la rentrée 2017, soulignait le quotidien. Julia Goodfellow, présidente de Universities UK, qui regroupe 135 établissements britanniques et qui veille en particulier à leur rayonnement international, appelait le gouvernement à faire d’urgence le nécessaire afin d’éviter « une chute brutale » des demandes d’inscription dès la rentrée à venir.

La perspective d’un « Brexit dur » qui s’est dessinée depuis a renforcé les craintes. « Des institutions parmi les plus prestigieuses du monde font part de leur inquiétude », écrit The Guardian, qui cite notamment le Prix Nobel de médecine Paul Nurse :

« L’impression se répand que le pays est devenu xénophobe, que la Grande-Bretagne se ferme à toute influence étrangère. »

La British Academy et la Royal Society sont intervenues auprès du gouvernement pour qu’il rassure les 32 000 universitaires et chercheurs européens travaillant actuellement dans le pays – ils représentent 17 % du corps enseignant et des chercheurs des universités britanniques.

« Aucune restriction ne doit être apportée à la mobilité des chercheurs, qu’il s’agisse d’universitaires britanniques présents dans les pays de l’UE ou de chercheurs européens qui travaillent dans les institutions britanniques. C’est maintenant au gouvernement britannique de créer le cadre adéquat », a prévenu Margret Wintermantel, qui dirige le Deutsche Akademischer Austauschdienst (DAAD, l’Office allemand d’échanges universitaires), également citée par le Guardian.

Une sortie du programme Erasmus serait une « catastrophe »

Et d’ajouter qu’une sortie de la Grande-Bretagne du programme d’échanges européen Erasmus serait une « catastrophe ». Une augmentation des frais d’inscription et de scolarité pour les étudiants européens se traduirait par un « effondrement des échanges universitaires avec le Royaume-Uni », selon elle.

« Nos universités sont un atout considérable pour le pays. Elles méritent d’être protégées », défend dans un éditorial le Financial Times (en édition abonnés). Le risque est grand, souligne le quotidien économique, qu’elles soient désormais privées des crédits alloués à la recherche par l’UE. Or le Royaume-Uni s’est vu attribuer une part « disproportionnée » – 9,5 milliards d’euros au cours des dix dernières années – de ces subventions :

« Le gouvernement devrait faire tout son possible pour que les universités britanniques restent présentes dans les programmes de recherche européens en s’engageant fermement à poursuivre ses contributions financières ou, si le Royaume-Uni ne devait plus bénéficier des subventions de l’UE, à prendre le relais de ces crédits. Il serait également utile de montrer que les étudiants restent les bienvenus dans les établissements britanniques. »

Il ne semble pas, à en juger par les dernières déclarations du gouvernement, que ces prudentes recommandations aient pour le moment été entendues.

Jean-Luc Majouret (« Courrier international »)

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