Pêcheur de harengs sur un navire certifié MSC. | Frédéric Briois

Frit, poché, pané, en sushi, on en consomme 22 kg par personne et par an en moyenne dans le monde, 35 kg en France. Dans le monde, 93 millions de poissons sont sortis de l’eau chaque année. C’est l’une des matières premières les plus échangées sur les marchés internationaux. Il alimente un énorme business – un secteur qui fait vivre, directement ou non, environ 500 millions d’humains –, que le grand public ignore largement.

Le moindre filet de cabillaud parcourt souvent des milliers de kilomètres avant d’atteindre la table d’une famille de Lyon ou de Berlin, majoritairement en provenance d’un pays en voie de développement. L’Union européenne est en effet le plus gros importateur du monde : elle achète à l’extérieur 70 % des produits de la mer qu’elle consomme.

Dès lors, comment un client peut-il savoir, au rayon poissonnerie de sa grande surface habituelle, si ses achats vont aggraver l’état d’une mer particulièrement surexploitée, accélérer l’extinction d’une espèce en danger ? Et s’il a bien devant lui l’espèce indiquée sur l’étiquette – ce qui n’est pas le cas pour près d’un tiers des poissons présentés à l’étalage dans le monde ?

Près de 300 pêcheries certifiées

Le Marine Stewardship Council (MSC) assure pouvoir fournir une réponse simple à ces questions complexes en délivrant une sorte de certificat de bonnes pratiques, son label « pêche durable », garant de pratiques plus à même de laisser la faune marine se reproduire.

Créé en 1997 par le Fonds mondial pour la nature (WWF) et la multinationale Unilever, avec l’idée d’éviter de futurs désastres écologiques aussi dommageables que l’effondrement des stocks de morue de Terre-Neuve, au Canada, le MSC est une organisation internationale à but non lucratif, basée à Londres.

Pêche au lieu noir | Frédéric Briois

Depuis lors, les deux fondateurs se sont retirés. Sans réelle concurrence dans ce registre, le MSC qui met en avant son indépendance et sa rigueur scientifique, a ouvert 18 bureaux dans le monde, dont un à Paris en 2009. Elle a certifié, dans 36 pays, 298 pêcheries – des professionnels organisés qui sont spécialisés dans la capture d’une espèce cible au moyen du même engin de pêche, dans une zone donnée.

En France, le label MSC a jusqu’à présent été accordé à neuf de ces entités : aux 83 bateaux qui capturent la sole dans la Mer du nord et dans la Manche est avec des filets maillants notamment ; ou encore aux 26 navires de l’association des bolincheurs de Bretagne qui traquent la sardine près des côtes de leur région.

Carrefour, Picard, Mac Donald’s

L’organisation travaille sur toute la chaîne de transformation et de distribution et a déjà certifié plus de 130 entreprises en France, 3 300 au total dans 82 pays. Des marques comme Carrefour, Picard, Système U, Lidl, Igloo, Mac Donald’s, Ikea entre autres proposent des produits portant le label.

Connu des milieux professionnels, le MSC pâtit de son manque de notoriété auprès des consommateurs, en particulier dans l’Hexagone. Histoire de se rappeler à la connaissance du grand public, il a passé commande d’une enquête réalisée auprès de 21 877 consommateurs dans 21 pays développés, qu’il a rendue public jeudi 6 octobre. En France, 699 personnes ont été sondées par le cabinet spécialisé GlobeScan.

Premiers enseignements de cette étude : les Français sont non seulement friands de produits de la mer, qu’ils importent à 80 % – ils en sont les cinquièmes plus gros mangeurs de l’Union européenne –, mais ils sont aussi bien plus amateurs que la moyenne de poissons sauvages. Ils sont 70 % à penser qu’ils sont meilleurs que ceux issus de l’aquaculture.

Dans leurs déclarations, ils se montrent particulièrement conscients des enjeux : « pour protéger les océans », il faut s’approvisionner auprès de « sources durables », répondent-ils ainsi à 78 %, soit six points de plus que les autres nationalités interrogées. Ils considèrent aussi à 69 % (contre 68 % en moyenne) que les consommateurs « devraient être prêts à opter pour un autre type de poisson s’il est plus durable ».

Lucides aussi sur l’impact de leurs choix d’achats : ils se classent eux, les consommateurs, au troisième rang des acteurs pouvant contribuer à faire évoluer les professionnels vers des pratiques plus respectueuses de l’écosystème marin derrière les ONG et les scientifiques, tandis que les autres sondés se voient plutôt au cinquième rang.

Les Français sont méfiants

La vertu écologique ne leur dicte pas leurs achats pour autant : la sauvegarde de l’océan n’arrive qu’en septième position derrière des critères de fraîcheur, de goût, de santé et d’absence d’OGM. « Cette étude montre que le marché est vraiment prêt à changer d’habitudes pour prendre en compte les critères de traçabilité et de durabilité », conclut cependant Edouard Le Bart, directeur du programme MSC en France, avant de reconnaître « qu’il reste pas mal de pédagogie à faire, car si les Français sont convaincus par ces valeurs, ils sont méfiants et craignent entre autres qu’elles ne fassent augmenter les prix ».

Le coût élevé de leur procédure de certification est l’un des reproches qui est fait au MSC. Des ONG de défense de l’océan désapprouvent aussi le fait que le label n’interdit ni le recours à la pêche en eau profonde, ni au chalut. « Nous sommes pragmatiques, rétorque Edouard Le Bart. Notre objectif est le développement durable dans un environnement marin préservé, pas de bannir la pêche. »