Le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, à l’ouverture du congrès de l’ADF, à Chasseneuil-du-Poitou, près de Poitiers, le 6 octobre. | GUILLAUME SOUVANT / AFP

Ils sont les élus de « la France d’en bas » et ont l’intention de faire entendre leur voix dans la campagne présidentielle. Les patrons de département, en majorité de droite, veulent peser sur l’échéance à venir. Avec d’autant plus de force que le gouvernement, disent-ils, après avoir tenté de les supprimer s’obstine à les « asphyxier ».

Le 86e congrès de l’Assemblée des départements de France (ADF), réuni du 5 au 7 octobre à Poitiers, aura été l’occasion d’un nouveau « coup de colère » contre l’exécutif. Devant Jean-Michel Baylet, ministre de la ruralité et des collectivités locales venu clôturer les débats vendredi, l’ADF a brandi une motion adoptée à l’unanimité des 69 départements de droite et des 33 de gauche pour demander au gouvernement de renoncer au « scandaleux hold-up » prévu par une disposition du projet de loi de finances de 2017 qui priverait les départements de 400 millions d’euros.

Le premier ministre « a arbitré cette mesure il y a une dizaine de jours », insistait Bercy jeudi 6 octobre, laissant entendre qu’elle était intangible. Au passage, le ministère des finances estime que « les départements ont mauvaise grâce de se plaindre puisque eux-mêmes ont décliné au printemps la proposition du gouvernement de leur accorder 700 millions d’euros pour compenser les dépenses de RSA qui augmentent ».

Soucieux de ne pas donner uniquement l’image de « pleureurs qui n’arrivent pas à attendrir le gouvernement », les présidents de département ont surtout profité de leur congrès pour rappeler leur rôle « incontournable » auprès des publics « à l’écart » qu’il s’agisse des chômeurs, des personnes âgées ou de ceux qui vivent « hors des métropoles ».

« La montée du vote FN dans les territoires ruraux » est un constat, ont-ils insisté. L’électeur FN « n’a pas forcément vu passer une horde de migrants sous ses fenêtres, explique Dominique Bussereau, le président (LR) de l’ADF. En revanche, c’est de plus en plus souvent un type qui vit à la campagne parce qu’il n’a pas les moyens d’habiter en ville. Et qui souvent est au chômage ou au RSA ». Le patron de la Charente-Maritime en tire une conclusion : lutter contre le FN « ne passe pas par un discours guerrier à la télévision sur la jungle de Calais. Mais c’est par le respect du travail des élus de proximité que nous sommes capables de lutter contre le sentiment d’abandon » qui, selon lui, fait le lit du populisme.

« Exaspération »

« Quand les régions et les métropoles sont au balcon, les départements sont les derniers à aller au charbon pour venir en aide à tous ceux qui décrochent », assure Pierre Monzani, directeur général de l’ADF. « Or, si le gouvernement nous coupe les vivres, qui va faire le boulot à notre place ? » s’inquiète Francis Comby, vice-président (LR) chargé des finances au conseil départemental de la Corrèze.

« Mon canton de Loudun ce n’est ni Calais ni Dreux, s’exclame Bruno Belin, président (LR) de la Vienne. Et pourtant, le FN a fait 28 % aux dernières départementales. Vous n’imaginez pas le degré d’exaspération au sein de la population, à commencer par les agriculteurs, explique-il. Il y a plus que jamais besoin d’avoir des élus qui ont les pieds dans la terre. »

Les départements invoquent aussi le soutien financier qu’ils prodiguent aux maires ruraux. En Essonne, « je viens de créér une aide au maintien du dernier commerce dans les villages », explique François Durovray, président (LR) du département. En Loir-et-Cher, raconte Maurice Leroy, président (UDI), « j’ai instauré il y a six ans une dotation de solidarité rurale pour les communes de moins de 200 habitants; 26 millions d’euros qui les aident à lancer des travaux et à créer de l’emploi ».

S’ils sont unanimes à se considérer comme un rempart face « au sentiment de désespérance d’une part croissante de population qui se sent mise à l’écart », les départements sont en revanche loin d’avoir une vision commune de leur avenir. A Poitiers, l’ADF a adopté des propositions que M.Bussereau a prévu de soumettre à tous les candidats à la présidentielle. Des propositions sur lesquelles ces derniers devront se positionner d’ici au 2 février.

Au nom de tous les présidents de gauche, André Viola, patron (PS) du département de l’Aude, a annoncé que son groupe ne la voterait pas compte tenu des divergences notamment sur la réforme du RSA. Il est vrai que la proximité de la présidentielle n’était pas propice à un rapprochement gauche-droite.