Sur les routes qui coupent la ZAD, la « zone à défendre », au sud du village de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), des dizaines de voitures, de camions ou de camping-cars encombrent déjà les bas-côtés. Ce vendredi 7 octobre, au soir, les Fosses noires, les Vraies Rouges, les Planchettes… tous les lieux de vie et de résistance des occupants au projet d’aéroport semblent avoir fait le plein de militants.

Mais c’est surtout à la ferme de Bellevue, haut-lieu de la lutte, que l’on s’active le plus. C’est là que samedi, des milliers de personnes – les plus optimistes espèrent compter des dizaines de milliers – doivent converger à l’occasion d’une nouvelle manifestation nationale contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à l’invitation des zadistes, des agriculteurs résistants historiques, et du collectif d’associations qui anime la lutte.

Trois cortèges venus du sud de la ZAD doivent rejoindre la ferme où se dérouleront prises de parole et concerts. Un hangar doit y être monté, pour accueillir, plus tard, des réunions ou stocker des vivres et du matériel. Quatre-vingt charpentiers bénévoles ont déjà construit les divers éléments de la structure.

Le « chant des bâtons »

En baptisant cette initiative « le chant des bâtons » – bâton de pèlerin, de berger ou bâton d’autodéfense – que chaque participant est invité à apporter et à laisser sur place pour servir le jour où les forces de l’ordre pénétreraient sur la zone, les zadistes affichent leur volonté de défendre les dizaines de lieux de vie où nombre d’entre eux ont développé des projets agricoles.

Depuis plusieurs semaines, les rumeurs d’intervention courent sur la ZAD et des militants venus de la France entière ont déjà préventivement rejoint le bocage. Parmi les nouveaux soutiens, la CGT du groupe Vinci – l’entreprise à qui on a confié la construction et la gestion du futur aéroport – a pris position contre le transfert de Nantes Atlantique, l’actuelle plateforme aéroportuaire. Elle appelle les salariés de Vinci à refuser de travailler sur tout chantier en lien avec le projet, et à invoquer le droit de retrait, car les travaux devraient se faire, à l’évidence, sous la protection des gendarmes.

Pour autant, même si le premier ministre, Manuel Valls, a annoncé maintes fois que les travaux débuteraient en octobre ou à l’automne, rien ne semble annoncer leur démarrage. Quasiment plus rien ne s’oppose désormais au chantier – hormis un contentieux avec l’Europe sur le respect de la réglementation environnementale et des procédures en appel. Les partisans du projet peuvent aussi se prévaloir d’une victoire à la consultation qui s’est tenue le 26 juin, le « oui » au transfert ayant emporté 55,17 % des voix.

Mais la mobilisation de samedi, décidée lors du week-end national de rassemblement à Notre-Dame-des-Landes, les 9 et 10 juillet, ne se veut pas qu’une réponse à la défaite électorale. Le scrutin perdu avait alors été jugé biaisé, illégitime. « Ce rassemblement n’est pas une réponse au vote de juin mais à Valls : tu veux venir nettoyer la ZAD, et bien on sera là ! », témoigne ainsi, dans le quotidien régional Ouest-France, la veille de la manifestation, Julien Durand, figure historique de la lutte, et animateur de l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport (Acipa).

Plusieurs scénarios d’évacuation

Du côté de la préfecture de Loire-Atlantique, on affirme être prêt à l’intervention. Plusieurs scénarios ont été travaillés, « assez finement », précise-t-on dans l’entourage du préfet. Certains d’entre eux semblent avoir déjà été écartés par le ministre de l’intérieur, telle la stratégie d’un encerclement de la zone de 1 650 hectares où doit être construite la future plate-forme aéroportuaire, et l’évacuation simultanée de plusieurs centaines de zadistes, bien décidés à se défendre.

Le scénario d’une conquête partielle de la zone, qu’il faudrait ensuite sécuriser malgré la présence de milliers d’opposants autour, ne semble pas non plus faire l’unanimité. Dans tous les cas de figures, les responsables du maintien de l’ordre savent qu’il faudra des milliers de personnels, gendarmes mobiles et CRS. Et qu’une fois le terrain conquis, et le chantier démarré, il faudra tenir les lieux durant de longues semaines, voire des mois.

Et, aujourd’hui, cette reconquête de la ZAD semble tout simplement impossible. Le ministère de l’intérieur assure qu’il n’y a pas de date arrêtée pour l’évacuation du site. « La priorité, c’est de démanteler Calais », fait-on valoir place Beauvau. « Ça ne laisse pas la place à d’autres manipulations d’ampleur », confirme une source au sein de la gendarmerie.

De plus, les affrontements entre manifestants et policiers lors d’une tentative d’évacuation de la ZAD contre un projet de barrage à Sivens (Tarn) qui se sont traduits par la mort d’un militant, Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive lancée par un gendarme, le 26 octobre 2014, sont encore dans tous les esprits. Et le gouvernement n’est pas pressé d’ouvrir un front qu’il sait à risques, à huit mois de l’élection présidentielle.

Les opposants peuvent donc montrer leur force samedi. Au grand dam des partisans du projet, Bruno Retailleau, le président (Les Républicains) de région en tête, qui presse le gouvernement de passer à l’action. L’association Des Ailes pour l’Ouest, fer de lance des pro-aéroport a lancé une nouvelle campagne d’affichage : « On a voté, les zadistes dehors ! »

Notre-Dame-des-Landes : "Le référendum est loin d'avoir légitimé le chantier"
Durée : 02:38