Pour les régions de Chine où dominent encore les vieilles industries du charbon et de l’acier, c’est une saignée douloureuse. Le gouvernement central chinois leur impose de réduire le nombre de mines et de hauts-fourneaux en activité, car ils noient les performances de l’économie nationale, coûtent cher en subventions étatiques pour leur éviter de mettre la clé sous la porte et sont responsables de la lourde pollution qui étouffe les villes de l’empire du Milieu.

Le groupe Dongbei Special Steel est devenu l’un des emblèmes de cette pénible transition. Le Dongbei désigne le nord-est de la Chine, l’ancienne Mandchourie, terre d’industries lourdes. Dongbei Special Steel, qui a son siège à Dalian, grand port sur le golfe de Bohai, est détenu majoritairement par le gouvernement du Liaoning. Le 26 septembre, il manquait, pour la neuvième fois de l’année, une échéance de paiement sur ses dettes.

« Zombies »

Six mois plus tôt, le 24 mars, le président du groupe Dongbei Special Steel, Yang Hua, qui était également le secrétaire de sa cellule du Parti communiste, se pendait. Son suicide avait soulevé des inquiétudes sur le marché obligataire chinois, où les industries soutenues par l’Etat ne sont plus le gage absolu de stabilité qu’elles ont longtemps été.

Ce cas n’est pas isolé. Les défauts de remboursement s’élevaient à 26,8 milliards de yuans (3,6 milliards d’euros), entre janvier et septembre 2016, soit plus du double des 12 milliards d’échéances obligataires non honorées sur l’ensemble de l’année 2015, selon le cabinet de statistiques chinois Wind.

Le gouvernement chinois a promis de ne plus soutenir à tout prix des entreprises étatiques non performantes qualifiées de « zombies ». Des restructurations doivent permettre de se rapprocher de la réalité du marché. La fin des années de croissance économique fulgurante s’est traduite par une chute de la demande d’acier pour les projets immobiliers. La demande a baissé de 5,4 % en 2015, après des reculs de 4 % en 2013 et en 2014. Elle devrait encore diminuer de 4 %, en moyenne, chaque année, jusqu’en 2020.

 « Licenciements massifs»

En réponse à cette nouvelle donne, le Conseil des affaires d’Etat, le gouvernement central chinois, a, en février, fixé pour objectif de réduire la production de charbon de 500 millions de tonnes et celle d’acier de 150 millions de tonnes, en trois à cinq ans, avec des paliers intermédiaires chaque année. Cet effort est particulièrement pénible au Hebei, la province industrielle qui entoure Pékin, où les autorités régionales se sont engagées à fermer 240 des 400 usines métallurgiques actuelles à l’horizon 2020.

A la fin juillet, seulement 47 % de l’objectif annuel de réduction de production avait été atteint dans la métallurgie – et 38 % dans le charbon

Toutefois, les provinces peinent à suivre le rythme. A la fin juillet, seulement 47 % de l’objectif annuel de réduction de production avait été atteint dans la métallurgie – et 38 % dans le charbon.

« Certains gouvernements locaux procrastinent, craignant que l’économie locale dévisse, ce qui se traduirait par des licenciements massifs », résumait, le 16 août, Zhao Chenxin, le porte-parole de la Commission nationale du développement et de la réforme, un puissant ministère de la planification, cité par le magazine Caixin.

Clientélisme

La liste des intérêts qui s’opposent à une réduction du rythme de production ou à la fermeture d’usines est longue. Pour les officiels, on citera pêle-mêle la nécessité de tenir les objectifs de croissance fixés par Pékin, le besoin de remplir les caisses publiques, l’obligation d’assurer la stabilité sociale en maintenant le niveau de l’emploi ou le pur clientélisme.

« Il y a toujours une attitude équivoque des gouvernements locaux. La réalité de leur économie politique rend difficile l’application drastique des mesures décidées par Pékin », constate Jean-François Huchet, spécialiste de l’économie chinoise à l’Institut national des langues et civilisations orientales.

Les banques, elles, ont tout intérêt à dérouler le tapis du crédit à ces entreprises, si peu rentables soient-elles, car le droit chinois en matière de faillites est plus qu’incertain. Institutions détenues majoritairement par l’Etat elles aussi, elles ne se risqueraient pas à couler une entreprise en mettant un producteur d’acier déficitaire face à ses responsabilités.