Accessoires de luxe et... sublimes arcades d’un lieu historique. | V. L./"Le Monde"

Rem Koolhaas, Philippe Starck, Massimiliano Alajmo et Fabrizio Plessi : les plus grands
noms de l’architecture, du design, de la cuisine et de l’art contemporain ont contribué au renouveau de la Fondaco dei Tedeschi. Ce bâtiment mythique de la cité des Doges, au pied
du Rialto, a été transformé en magasin de luxe de 7 000 m2, avec salon de thé et espace d’exposition, par le groupe DFS (LMVH).

« Nous avons proposé d’en faire un grand magasin, pour que les Vénitiens puissent profiter de leur patrimoine et d’un nouveau lieu de vie, mais aussi parce que cela respecte l’identité du bâtiment », souligne Ippolito Pestellini, partenaire de l’architecte néerlandais Rem Koolhaas au sein du studio OMA. Surplombant le Grand Canal, l’édifice fondé au XIIIe siècle – aujourd’hui propriété de la famille Benetton – servait de halles aux marchands allemands (Tesdeschi en italien), qui y vivaient et y stockaient leurs marchandises. Il fut, à son apogée, un épicentre économique et politique, quand les impôts versés par l’établissement ont atteint la moitié des revenus de Venise. Au XIXe, le Fondaco devint ensuite la poste centrale de l’île.

L’escalator de Rem Koolhaas tel un « tapis rouge mécanique ». | V. L./"Le Monde"

Succession d’arcades, sols en terrazzo, enfilades vénitiennes et fragments de fresques…
Pour Rem Koolhaas et Ippolito Pestellini, l’enjeu était de mettre en valeur les richesses de l’édifice. Ils y ont introduit de nouveaux matériaux, tel le cuivre oxydé dans différentes teintes, du bleu au doré en passant par l’olive, et construit un monumental escalator carmin, tel « un tapis rouge mécanique » pour les visiteurs. Ils ont surélevé le toit pour créer dans ce nouveau volume un espace d’exposition, avec une terrasse panoramique qui offre désormais la plus belle vue accessible à tous, sur Venise, les îles de la lagune et, par temps clair, les Alpes italiennes.

« Une expérience sensorielle »

« Nous n’avons pas fait de rénovation, mais une vraie préservation, souligne Ippolito Pestellini, car il y a dans cet édifice trois ou quatre bâtiments en un seul, des interventions au XVIe, sous Napoléon, au XIXe siècle… Il n’y a pas un moment plus authentique qu’un autre, selon nous. » Ainsi ont-ils montré « la substantifique moelle » du bâtiment, parfois dans sa brutalité, telles ces poutres en ciment brut du XIXe laissées telles quelles.

Le vidéo-artiste Fabrizio Plessi, le premier à inaugurer l’espace culturel de la Fondaco dei Tedeschi, propose, au dernier étage, une installation baptisée « UnderWater », comme d’antiques mosaïques submergées sous les eaux mouvantes de la lagune.

La banquette signée Philippe Starck, en cuir repoussé, s’inspire des gondoles vénitiennes. | V. L./"Le Monde"

Dans l’atrium, sur un sol de marbre rouge de Vérone dont le motif graphique a été dessiné par Rem Koolhaas, le designer français Philippe Starck disposera d’ici à la fin du mois d’octobre son mobilier inspiré par la Sérénissime, pour le café-brasserie et la pâtisserie de Massimiliano Alajmo – le plus jeune chef triplement étoilé de l’histoire, à 27 ans en 2002. « J’ai voulu donner une synthèse de la fantasmagorie vénitienne, avec des canapés à haut dossier en bois noir et cuir repoussé comme les gondoles. Ils sont surmontés de deux lampes du sculpteur de verre Aristide Najean, qui rappellent les petites loupiotes des bateaux dans la nuit…, précise Philippe Starck. Ce sera une expérience sensorielle que j’espère à la hauteur des saveurs proposées par les frères Alajmo. »