Des fans réagissent à la performance de The Who, le 9 octobre. | MARK RALSTON / AFP

Un vent de nostalgie a soufflé sur le désert californien à l’occasion du premier week-end du Desert Trip Festival à Indio, les 7, 8 et 9 octobre. Sur la même scène du Empire Polo Club, six légendes du rock : Bob Dylan, les Rolling Stones, Neil Young, l’ex-Beatles Paul McCartney, les Who et l’ancien leader des Pink Floyd, Roger Waters. Ce « line-up » historique, qui a valu à l’événement le surnom de « concert du siècle », a aussi fait ressurgir un lointain souvenir de Woodstock…

Si en 1969, seuls le Canadien (Neil Young) et les créateurs de l’opéra-rock « Tommy » (Les Who) avaient fait le déplacement dans l’Etat de New York, difficile de ne pas penser à ce rendez-vous mythique en regardant l’affiche proposée.

« On est très loin de Woodstock dans l’esprit, mais Desert Trip cible les personnes qui sont allées à Bethel à la fin des années 1960 ou qui ont toujours regretté de ne pas l’avoir fait. Et ces gens-là n’ont plus vingt ans…, fait valoir Richie Gallo, ancien vice-président du label New Doors au sein d’Universal Music, aujourd’hui professeur à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA). Le prix des billets est tellement élevé [à partir de 199 dollars pour une journée, de 399 dollars à 1 599 dollars pour les trois jours (soit jusqu’à 1 430 euros)] que l’événement attire naturellement les cinquantenaires et plus qui en ont les moyens. » Les places pour les deux week-ends (les mêmes musiciens au même endroit, les 14, 15 et 16 octobre) se sont écoulées en à peine trois heures.

«  Tous au même endroit, c’est incroyable ! »

On est loin de l’imaginaire d’un demi-million de jeunes gens tripant les pieds dans la boue. Les 75 000 festivaliers du Desert Trip ont le plus souvent les cheveux grisonnants et la tenue soignée. Christine Jaymeson, 68 ans, est venue de Seattle (Etat de Washington, Nord-Ouest) en mobile-home avec son mari pour l’occasion. « J’écoutais les Stones à l’université. Pour la première fois, j’ai eu l’occasion de les voir sur scène », raconte-t-elle émue.

« J’ai pris le goût du rock’n’roll en 1975 grâce aux Pink Floyd, détaille de son côté Kevin Snow, 52 ans. J’ai toujours rêvé d’entendre Roger Waters en live. Je savais que je ne pouvais pas manquer ça. C’est un coût certain, mais je n’ai pas hésité à y mettre le prix. »

Ce Californien est venu avec son frère aîné, Greg 53 ans, qui a déjà vu les Who… en 1979. « Dès que j’en ai entendu parler, je savais qu’il fallait que j’y aille. Les avoir tous au même endroit, c’est incroyable ! », se réjouit Adam Cohen, homme d’affaire new-yorkais de 52 ans.

Pour s’assurer du confort de festivaliers à la moyenne d’âge plus élevée qu’à l’accoutumée, les organisateurs ont installé des sièges dans une partie de la fosse et mis en place de nombreuses structures ombragées. Des remorques conditionnées ont remplacé les traditionnelles toilettes sèches. Les hot-dogs trop cuits ont laissé la place à une multitude de snacks gourmets… N’en déplaise à l’esprit de débauche, impossible aussi d’acheter autre chose que des bouteilles d’eau une fois le deuxième concert du soir achevé.

« Oldchella »

Mais si le public type du Desert Trip Festival préfère avoir une place assise pour profiter des shows ou se trouve prêt à dépenser 29 dollars pour un verre de Cabernet Sauvignon, il n’hésite pas cependant à se mettre debout sur sa chaise à l’entrée des Stones, à se déhancher fiévreusement lorsque Paul McCartney entonne Ob-La-Di, Ob-La-Da ou à entonner d’une seule voix avec Neil Young les paroles de Rockin’in The Free World.

Alors que la moyenne d’âge des artistes se produisant atteint les 72 ans, le rendez-vous a gagné le surnom moqueur d’« Oldchella », référence au très populaire festival de Coachella, qui se déroule chaque année dans le même lieu au mois d’avril.

« Bienvenus à la maison de retraite de Palm Springs pour musiciens anglais raffinés [seuls Niel Young et Bob Dylan ne sont pas Britanniques] », a d’ailleurs plaisanté le Londonien Mick Jagger. Une retraite bien payée, puisque entre 6 et 8 millions de dollars par concert auraient été garantis aux Stones, à Paul McCartney et à Roger Waters, leurs « premières parties » – Bob Dylan, Neil Young et les Who – devant se contenter d’un peu moins.

Visages ravis

Car les « papys du rocks » font toujours recette : d’après les calculs de la publication spécialisée Pollstar, les têtes d’affiches du Desert Trip Festival ont généré conjointement plus de 3,1 milliards de dollars en ventes de billets depuis 2000.

Le festival s’annonce d’ores et déjà comme le plus rentable de l’histoire de la musique. Pour les personnes présentes, restera le souvenir d’un concert d’une qualité sonore extraordinaire et de la réunion de six légendes.

« Cela fait plus de cinquante ans que nous jouons tous de la musique pour vous. C’est incroyable que vous veniez encore nous voir après toutes ces années », a lancé à une foule conquise le chanteur des Stones. A en croire les visages ravis au terme de ces trois jours, il est prêt à parier que les spectateurs présents continueront de se déplacer.