« Playroom VR » | Sony Japan Studio

Nicolas Doucet, directeur créatif de Sony Japan Studio, a supervisé la conception de The Playroom VR, une collection de minijeux collégiaux en réalité virtuelle, à partager sur le canapé entre amis. Il s’agit d’un des titres de lancement du PS VR, le nouvel accessoire de la PlayStation 4, un casque de réalité virtuelle dont la sortie est programmée jeudi 13 octobre.

Pixels l’avait rencontré autour d’une partie en juin 2015 à Los Angeles, au salon du jeu vidéo de l’E3 (Electronic Entertainment Exposition). Il explique comment a travaillé son équipe, spécialiste des jeux conviviaux (Eye Toy sur PlayStation 2, The Playroom sur PlayStation 4), pour tenter de transformer un casque isolant en objet de convivialité.

The Playroom VR | Gameplay trailer | PlayStation VR
Durée : 02:17

Y a-t-il déjà une grammaire ludique propre à la VR ?

Il est trop tôt pour le dire. Pour beaucoup de jeux, nous procédons par itérations. Par exemple, pour le minijeu dans lequel le joueur incarne un monstre, nous avons surtout essayé d’envisager une expérience dans laquelle il se sente immense dans un environnement tout petit. La seconde étape a été de rajouter des éléments qui viennent vers le joueur, et qu’il doit éviter, à l’image d’une balle qui fuserait près de sa tête en faisant « fzzziiiii ». Ce sont vraiment des briques que l’on emboîte les unes après les autres. Ça arrive toujours un peu par accident. C’est normal dans un processus créatif : si on savait exactement ce qu’on faisait, c’est que ce ne serait pas si innovant.

Y a-t-il des idées de jeux vidéo qui marchaient mal avant mais fonctionnent mieux en réalité virtuelle, ou l’inverse ?

Il y en a dans les deux sens. Mais le simple fait de se rapprocher d’un personnage, être nez à nez, le voir nous suivre des yeux de près, c’est vraiment quelque chose de fort et d’émouvant. La dernière fois que j’ai éprouvé ça, c’était il y a 15-20 ans, au moment du passage de la 2D à la 3D. Par exemple dans le jeu de course Ridge Racer, quand on se rendait compte qu’on pouvait faire demi-tour. C’est là que j’ai compris l’intérêt de ce nouveau médium.

« Playroom VR ». | Sony Japan Studio

The Playroom VR est un jeu multijoueur, coloré et convivial. Pensez-vous que ceux qui s’attendent à de grandes aventures immersives à la Skyrim vont être déçus ?

Le côté Skyrim, jeu traditionnel en monde ouvert, on va y arriver. C’est encore le début, nous sommes des pionniers et de petites équipes, donc nous nous contentons de petites surfaces de jeu pour l’instant, nous déblayons le terrain. Mais on peut s’attendre à ce que dans le futur des studios mettent davantage de moyens pour développer des jeux plus ambitieux.

The Playroom VR offre une expérience assez proche de Wii Sports, le jeu de lancement très convivial de la Wii : un joueur, qui a le casque, se bat contre quatre autres qui ont une manette et suivent l’action sur la télé. C’est une approche inattendue, là où tout le monde s’attendait à des jeux solitaires…

Cela s’est fait par hasard. Nous n’avions pas prévu d’utiliser l’écran de télévision en support : comme beaucoup, on s’imaginait une expérience immersive, présentielle, qui passerait entièrement et uniquement par le casque. Mais notre équipe sortait de Playroom, un jeu qui consiste à mettre tout le monde devant la télé, le genre d’expérience conviviale avec les gamins qui courent autour et le chat qui passe devant l’écran. On voulait faire un jeu fédérateur dans le même esprit, que ça se passe vraiment dans le salon, en utilisant la télé. Il fallait qu’on puisse se passer du casque, qu’il perde son côté sacré, fragile, un peu sérieux. Au lieu de ça, comme une manette Wii, tu le passes, pendant que tu bois ton verre.

Qu’est-ce que peut apporter la réalité virtuelle à ce genre d’expérience entre amis ?

Au début, le monstre [incarné par le joueur qui porte le casque] était juste représenté par une tête, et déjà on s’apercevait de quelque chose de génial : on pouvait suivre son regard, et donc connaître son intention, savoir s’il voulait attaquer le petit bonhomme rouge, ou le petit bonhomme vert… Quand le jeu s’est développé pour devenir plus physique, on est revenu sur quelque chose de plus proche d’Eye Toy [une série de jeux conviviaux utilisant une caméra]. On sait qu’on repart sur une base qui a fait ses preuves. On vous a vu vous jeter sur le canapé pour éviter des projectiles, c’était génial !

« Playroom VR ». | Sony Japan Studio

Sur des jeux de sport, la réalité virtuelle permet-elle certaines choses ? On a l’impression que le dispositif s’adapte particulièrement à des simulations de tennis de table ou de handball comme gardien de but, avec des balles qui arriveraient vite vers le joueur, et un jeu basé sur les réflexes…

Il faut faire attention avec le câble. Si quelque chose me tient à cœur, c’est de faire un jeu de boxe, à la Punch Out [une série de jeux de boxe narratifs de Nintendo], où on serait sur le ring, avec l’adversaire qui te toise, ton entraîneur qui vient te parler, puis retourner à la baston… Avec deux manettes à détection de mouvement, cela peut être génial. Mais cela demanderait beaucoup de surface au sol pour que les joueurs puissent se déplacer comme sur un ring.

Votre exemple fait penser à toute une tradition de jeux de football, de Libero Grande aux récents FIFA, dans lesquels on peut incarner un seul joueur, avec une caméra centrée sur lui.

Oui, d’ailleurs on a fait un prototype, Head Master, dans lequel le joueur se trouve au point de penalty, et tu as des ballons qui arrivent, et tu dois marquer des buts de la tête – mais sans bouger [il fait également partie des jeux de lancement du PS VR].

PlayStation VR New Gameplay - The Headmaster Challenge on PS4
Durée : 11:07

La limite de cette technologie, n’est-ce pas justement de rendre l’expérience tellement réaliste, tellement impliquante, qu’il devient frustrant de ne pas pouvoir utiliser tout son corps, mais seulement des manettes et la tête ?

Sûrement. La détection corporelle, ça existe sur d’autres systèmes, c’est peut-être la prochaine étape. Il faut voir… Quand on se lance dans un jeu, on assimile assez vite les règles et on s’y astreint. On n’a pas forcément envie de faire plus si l’environnement autour de soi ne nous y invite pas. C’est le contrat de la réalité virtuelle. L’important est de ne pas être frustré par les questions ergonomiques.

Avec un peu d’expérience, quel est le jeu le plus fou que vous aimeriez développer ?

Au tout début, je ne pensais pas du tout à faire Playroom. Je pensais à développer une relation avec un personnage – pas forcément avec des dialogues, mais plutôt à la Ico [un jeu d’aventure où le héros guide une princesse par la main], de manière muette. Ou mettre plusieurs personnes en ligne et voir leurs interactions. Il y a tellement de possibilités… Mais on fonctionne vraiment différemment. On part de la technologie, on expérimente et on voit ce qui marche.