Angela Merkel, le 5 octobre 2016 à Berlin. | JOHN MACDOUGALL / AFP

« Nous devons faire tout ce qui est humainement possible, y compris modifier nos lois si cela est nécessaire, pour garantir la sécurité des gens », a déclaré Angela Merkel, lundi 10 octobre, à Niamey (Niger), quelques heures après l’arrestation, à Leipzig (Saxe), d’un Syrien de 22 ans qui aurait été sur le point de commettre un attentat terroriste sur le sol allemand.

La chancelière n’a pas attendu son retour à Berlin, prévu mardi soir, pour intervenir personnellement dans l’affaire qui fait la « une » de l’actualité allemande depuis que le jeune homme a une première fois échappé de justesse à la police, samedi.

C’est parce que, après les trois attentats commis en juillet par de jeunes réfugiés en Bavière et dans le Bade-Wurtemberg, puis l’arrestation mi-septembre, dans le nord de l’Allemagne, de trois demandeurs d’asile soupçonnés d’allégeance à l’organisation Etat islamique (EI), Mme Merkel sait qu’elle ne peut se permettre de donner la moindre prise à ceux qui l’accusent de laxisme et estiment que son gouvernement ne se donne pas tous les moyens pour assurer la sécurité des Allemands face au danger terroriste.

Critiques dans son propre clan

Peu après l’annonce de l’arrestation de Jaber Albakr, lundi matin, plusieurs voix se sont ainsi exprimées, des rangs même de la majorité parlementaire de la chancelière, pour réclamer l’octroi de droits supplémentaires aux services concernés. « Nous voyons que l’Office de protection de la Constitution [renseignement intérieur] et le Bundesnachrichtendienst [renseignement extérieur] n’ont pas aujourd’hui accès aux informations essentielles concernant les demandeurs d’asile. Cela doit changer. Nous souhaitons que les services de renseignement allemands aient accès à ces informations », a par exemple déclaré Michael Kretschmer, vice-président du groupe de l’Union chrétienne démocrate (CDU) au Bundestag et élu du land de Saxe.

Au sein de l’Union chrétienne sociale (CSU), l’alliée bavaroise de la CDU, très critique vis-à-vis de la politique migratoire de Mme Merkel, le ton s’est fait, sans surprise, plus comminatoire. Andreas Scheuer, le secrétaire général du parti, a ainsi demandé une « révision totale » des procédures d’enregistrement pratiquées par l’Office fédéral des migrations et des réfugiés. De son côté, Joachim Herrmann, le ministre de l’intérieur de la Bavière, territoire voisin de l’Autriche, et à ce titre en première ligne lors de l’arrivée de la grande vague migratoire de l’automne 2015 en Allemagne, a réclamé un renforcement des contrôles aux frontières. « Nous devons être particulièrement attentifs à élever des barrières face à des gens qui viennent chez nous avec de mauvaises intentions et non comme des réfugiés en danger », a-t-il déclaré.

Rassurer et couper court aux polémiques

En se montrant aujourd’hui ouverte à un renforcement des moyens de sécurité, Mme Merkel entend à nouveau montrer qu’elle a entendu le message que lui ont adressé les électeurs, à deux reprises en septembre, lors des élections régionales en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale et à Berlin, où la CDU a essuyé de sérieux revers et où le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui avait fait campagne en dénonçant le « chaos » de sa politique migratoire, a effectué des scores très élevés.

Mais sans doute la chancelière espère-t-elle également couper court à la polémique qui monte en Allemagne sur les conditions dans lesquelles Jaber Albakr a pu échapper une première fois aux forces de l’ordre, samedi matin, alors que celles-ci étaient sur le point de l’arrêter, à son domicile de Chemnitz (Saxe), où ont été retrouvés 500 grammes de TATP, un explosif particulièrement puissant, surnommé la « mère de Satan » dans les milieux djihadistes, utilisé notamment lors des attentats de Paris, le 13 novembre 2015, et de Bruxelles, le 22 mars.

Une arrestation permise par trois Syriens

Pour Mme Merkel, la seule bonne nouvelle tient peut-être au fond à l’identité de ceux qui ont permis à la police d’arrêter le jeune homme, dans la nuit de dimanche à lundi. Il s’agit de trois Syriens, que le fugitif a rencontrés à la gare de Leipzig dimanche soir et à qui celui-ci a demandé de l’héberger pour la nuit. Une fois dans l’appartement, l’un d’eux, l’ayant reconnu, a averti les autorités, pendant que les deux autres l’attachaient sur le sofa, en attendant que la police vienne l’arrêter, un peu avant une heure du matin.

Après un week-end marqué par une nouvelle prolifération sur les réseaux sociaux de messages établissant un lien de cause à effet entre l’immigration et le danger terroriste, le rebondissement de la nuit dernière est ainsi venu conforter la position du gouvernement, qui ne cesse de contester une telle vision des choses. Si les trois Syriens ayant permis l’arrestation de leur compatriote ont été félicités par Mme Merkel depuis le Niger, leur identité n’a toutefois pas été divulguée, la police estimant qu’il est préférable, pour l’instant, de conserver leur anonymat.