Après quarante-huit heures dantesques pendant lesquelles le Parti républicain avait affiché ses divisions, que pouvait espérer Donald Trump du deuxième débat présidentiel, dimanche 9 octobre ? Affaibli par la diffusion, deux jours plus tôt, d’une vidéo datant de 2005 dans laquelle il multipliait les propos obscènes à propos des femmes, M. Trump avait passé le plus clair de son temps reclus dans ses bureaux à New York, dans l’immeuble qui porte son nom, attaquant sans relâche les contempteurs venus de son propre camp.

Lorsqu’il a pénétré sur la scène installée dans la Washington University, à Saint Louis (Missouri), le magnat de l’immobilier savait qu’il serait interrogé sur le sujet. Décidé à en découdre, il avait annoncé à l’avance qu’il comptait contre-attaquer en exhumant d’anciennes affaires de harcèlement sexuel et d’adultère reprochées au mari de son adversaire démocrate, Hillary Clinton, l’ancien président Bill Clinton. Autant dire que la confrontation a débuté dans une atmosphère épouvantable, les deux principaux candidats évitant même de se serrer la main.

Donald Trump s'excuse
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M. Trump ne s’est pas départi de cette agressivité, tâchant d’évacuer au plus vite ses « simples mots » de 2005, opposés aux actes prêtés à M. Clinton « qui a abusé de femmes ». Pour ajouter à la dramatisation, l’ancien président était présent dans la salle, tout comme certaines de ses accusatrices. Le Donald Trump de la vidéo, « c’est ce qu’il est », a rétorqué Mme Clinton.

« Parce que vous seriez en prison »

Plus réactif que pendant le premier débat, le milliardaire a tenté de prendre son adversaire à la gorge sur la question de l’usage discrétionnaire d’un serveur et d’une adresse électronique privée, pendant les années passées à la tête de la diplomatie américaine. « Si je gagne, je vais donner l’ordre à mon attorney general de nommer un procureur spécial pour faire la lumière sur votre situation, parce qu’il n’y a jamais eu autant de mensonges, autant de choses cachées », a menacé M. Trump.

L’échange a alors pris un tour singulier dans l’histoire politique récente des Etats-Unis. « C’est vraiment bien que quelqu’un ayant le tempérament de Donald Trump ne soit pas chargé des lois de notre pays », a commenté Mme Clinton.

Le magnat de l’immobilier a répondu instantanément, mi-figue, mi-raisin : « parce que vous seriez en prison », en écho aux slogans « enfermez là ! », scandés lors des meetings du candidat républicain. « Je sais que vous tentez de faire diversion, votre campagne implose, votre parti vous lâche », a commenté Mme Clinton répétant, comme lors de leur première confrontation, que le milliardaire vit selon elle « dans une autre réalité ».

Ce deuxième débat était en théorie un town hall, exercice au cours duquel les candidats tentent de répondre aux questions posées par un public d’électeurs indécis. Mais M. Trump s’est régulièrement abstenu de répondre pour dénoncer sans relâche le « mauvais jugement » de Mme Clinton ainsi qu’un bilan jugé totalement désastreux après trente années passées en politique, observant une discipline qui lui avait fait défaut quinze jours plus tôt.

Attaques répétées

De ce point de vue, le magnat de l’immobilier s’est donné un peu d’air alors que les tensions avec le camp républicain auraient sans doute atteint des sommets en cas de nouvelle contre-performance. Mais avant même que puisse être mesurée l’ampleur de la déflagration causée par la diffusion de la vidéo, les deux semaines au cours desquelles il s’est enferré dans les polémiques ont creusé dans les intentions de vote un retard qui risque d’être difficile à combler. D’autant que l’agressivité déployée dimanche soir, si elle a probablement revigoré sa base, l’empêche sans doute de conquérir les voix indécises qui sont en train de migrer vers la démocrate.

Les attaques répétées n’ont pas permis en outre au public d’en savoir plus sur les idées du candidat républicain. Au détour de questions concernant la Syrie, M. Trump s’est même risqué à contredire les propos de son colistier, Mike Pence, qui avait estimé lors du débat des candidats à la vice-présidence, le 4 octobre, que les Etats-Unis devraient envisager des frappes contre le régime de Bachar Al-Assad.

« Je n’en ai pas parlé avec lui, je ne suis pas d’accord », a-t-il coupé. Resté à ses côtés dans la bourrasque, le gouverneur d’Indiana a dû apprécier.