Trois députés proposent d’utiliser une partie de la contribution énergie prélevée sur les énergies fossiles pour aider les collectivités à mettre en œuvre leurs plans climat. | AFP/JEAN-SEBASTIEN EVRARD

La ministre de l’environnement, Ségolène Royal, n’a de cesse d’appeler la France à être exemplaire en matière de climat. Tout en fixant des objectifs ambitieux, la loi de transition énergétique de 2015 a clairement renforcé le rôle des acteurs territoriaux. Sauf qu’à l’heure où leurs finances locales fondent comme neige au soleil avec la baisse des dotations de l’Etat, les collectivités se demandent comment elles vont pouvoir financer leur plan climat.

Et si l’on utilisait une partie des revenus de la taxe carbone prélevée sur les consommations d’énergie fossile pour soutenir la transition énergétique dans les territoires ? Défendue par quatre grands réseaux de collectivités (Association des régions de France, Assemblée des communautés de France ou AdCF, France urbaine, Amorce), et par le Réseau Action Climat, cette idée fait l’objet de trois amendements identiques au projet de loi de finances, déposés vendredi 7 octobre et portés respectivement par les députés Eric Alauzet (EELV), Bertrand Pancher (UDI) et Michel Heinrich (Les Républicains).

Depuis 2014, une composante carbone, dite « contribution climat-énergie », est prélevée sur les taxes appliquées aux énergies fossiles, les taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques. Cette composante carbone est appelée à augmenter chaque année, selon une trajectoire fixée dans la loi de finance de 2016. Il ne serait pas anormal, estiment les auteurs de ces amendements, qu’une partie de ces fonds reviennent aux collectivités pour les aider à remplir leurs nouvelles responsabilités en matière de politique énergétique.

Nouvelles compétences

En effet, depuis la loi sur la transition énergétique et celle portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTre), toutes les intercommunalités de plus de 20 000 habitants ont désormais l’obligation d’élaborer un plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Et les régions doivent quant à elles réaliser un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire (Sraddet). Or, ces nouvelles compétences ne se sont accompagnées d’aucun financement spécifique. Pour combler ce manque, sur les 5,5 milliards d’euros que devrait générer la contribution climat-énergie en 2017, un milliard pourrait ainsi être affecté aux collectivités sous forme de dotation additionnelle, proposent les élus.

Cette dotation d’un milliard d’euros représenterait 15 euros par habitant et par an. Et elle pourrait être répartie à raison de 10 euros par habitant pour les intercommunalités et de 5 euros par habitant pour les régions. « Une collectivité dépense 1 à 2 € par habitant pour élaborer un plan climat, 10 € pour le mettre en œuvre sur son patrimoine et ses services, 100 à 300 € pour le mettre en œuvre sur l’ensemble de son territoire », souligne Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, réseau de partage d’expériences et d’accompagnement des collectivités en matière de politique énergie-climat. Avec ce mécanisme, une intercommunalité de 20 000 habitants recevrait 200 000 € par an. Une somme non négligeable, à l’heure de la diète budgétaire des collectivités locales.

Aujourd’hui, le soutien des pouvoirs publics à l’action des collectivités passe essentiellement par des appels à projets. Ces subventions, non pérennes, ne permettent toutefois de financer que des dépenses d’investissements, alors que l’animation des plans climat et des schémas d’aménagement durable nécessite aussi des dépenses d’ingénierie et de fonctionnement sur le terrain. Et encore, « elles reviennent aux plans les plus innovants », observe Camille Alle, chargée de mission énergie, déchets, finances et fiscalité à l’AdCF. « Or, quid des collectivités qui ne sont pas à ce niveau d’ambition ?, interpelle-t-elle. Pour toutes celle-là, le manque de moyens pèse et en tout cas ne les engagera pas à élaborer un plan ambitieux à la hauteur des enjeux. »

Effet de levier

« Il faut un élément déclencheur de l’action et cet élément doit être pérenne, si l’on souhaite que toutes les collectivités s’engagent dans une démarche climat durable, appuie Jean-Patrick Masson, vice président du Grand Dijon et représentant de France urbaine, née de la fusion de l’Association
 des maires de grandes villes de France 
et de l’Association des communautés urbaines de France. Cette dotation peut avoir un effet de levier, car en renforçant les recettes des collectivités, elle permettra d’accroître leurs possibilités d’emprunts. »

Affecter une partie des recettes liées à la hausse de la contribution énergie n’aurait pas grande incidence sur le budget de l’Etat, soulignent les promoteurs de cette mesure. « La montée en puissance de la contribution carbone rapporte entre 1 et 1,5 milliard de plus chaque année, de manière cumulée », explique Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique et conseiller de Nantes Métropole. « Il s’agit d’une vraie décision de politique nationale qui révélera ou non la volonté du gouvernement de mettre en œuvre la transition énergétique dans les territoires, insiste Nicolas Garnier. C’est maintenant qu’il faut agir. D’autant que les prix des énergies fossiles sont bas, favorisant le retour à des solutions de mobilité et de chauffage moins durables. »