Emmanuel Macron, au Mans, avant son meeting, le 11 octobre. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Son équipe elle-même le présente comme « le nouvel épisode » de la « saga Macron ». Après Strasbourg la semaine dernière où il a parlé de la « vie engagée » et des pratiques institutionnelles, Emmanuel Macron était, mardi 11 octobre, au Mans, pour évoquer la « vie quotidienne » des Français. Sur le terrain, la visite est, comme à chaque fois, bien huilée : accueil à la descente du TGV par le maire (PS) de la ville, Jean-Claude Boulard, détour par un incubateur local de start-up et un centre d’examen au code de la route, avant une rencontre avec une association mancelle de gardes d’enfants pour « mamans qui travaillent », le tout interrompu par une balade en tramway dans le centre-ville sur cinq stations, « entre Zola et République ». Avant un meeting en soirée au Centre des expositions, collé au circuit automobile des 24 Heures du Mans.

Au menu de cette nouvelle étape du « diagnostic » pour la France de l’ancien ministre de l’économie, on trouve donc les thématiques du logement, de la santé, de l’emploi, de l’éducation et de la sécurité. Comme à l’accoutumée avec M. Macron, le contenant demeure pour l’instant plus important que le contenu. Sa petite entreprise soigne d’abord le bel aspect du produit politique en en dévoilant le moins possible la composition. Trop tôt, résume le candidat virtuel à l’élection présidentielle. « Je ne viens pas envoyer des propositions dans le jeu médiatique, le problème n’est pas par exemple, sur l’emploi, de savoir s’il faut travailler 35 ou 39 heures », explique-t-il lors d’une rencontre avec la presse quelques heures avant le meeting.

« Pistes de réflexion »

Promis, les propositions viendront, assurent ses proches, qui précisent qu’elles seront « distillées entre novembre et décembre ». Pour l’instant, donc, au Mans, comme à Strasbourg ou à Montpellier, troisième ville étape de sa tournée la semaine prochaine, on en reste au stade des « pistes de réflexion ».

Mais, dans le détail, ces pistes ont commencé à donner, mardi, une vision plus nette du projet de M. Macron. En critiquant une société « bloquée » par « l’importance trop grande donnée à la norme » à laquelle il faut substituer « la demande individuelle », l’ancien banquier d’affaires s’inscrit clairement dans la tradition politique libérale. Avec pour mot d’ordre global : le modèle social français actuel ne fonctionne plus, il faut donc le revoir dans son ensemble. « Le système conçu après la Libération, qui consiste à offrir la même chose à tout le monde, n’est plus adapté à la société française, où la demande individuelle est très forte », explique M. Macron, qui veut remplacer « la France qui subit par la France qui choisit ».

Un viatique que l’ex-ministre décline à tous les niveaux. Sur la question de l’emploi, il n’a jamais caché que la loi El Khomri n’allait pas assez loin à ses yeux. Reprenant sa théorie des « insiders » dans le monde du travail qui bloqueraient l’accès aux « outsiders », il considère que « la norme unique ne protège plus, mais enferme et cadenasse le système ». Il soutient donc « une inversion générale et assumée de la hiérarchie des normes » et déplace au niveau des accords d’entreprises « des champs du droit du travail qui pourraient être déconcentrés ». « La loi doit définir un socle minimal et renvoyer le reste à la négociation au niveau de l’entreprise », explique-t-il, quand le dispositif du gouvernement s’est limité, face à la fronde syndicale, à la seule négociation du temps de travail.

« Mauvais système de santé publique »

Une pratique du « décloisonnement » que M. Macron souhaite également appliquer à d’autres secteurs, comme ceux du logement et de la santé. « Il faut relancer une politique de l’offre dans le logement, en créant massivement des logements nouveaux dans les zones tendues et en accélérant s’il le faut brutalement les constructions », précise-t-il, quitte, pour y parvenir, à « revoir les normes » ou à « réduire certaines capacités de recours ». « On a, en France, un bon système de soins, mais un mauvais système de santé publique », ajoute-t-il, proposant de « décloisonner les professions de santé », en faisant entrer par exemple « les praticiens privés dans l’hôpital public ».

Sur l’éducation, M. Macron est en revanche moins transgressif, ou en tout cas moins précis. Comme tout le monde, il se désole qu’« un enfant sur cinq sorte du premier cycle scolaire sans savoir lire, écrire et compter » et considère qu’en bout de chaîne, le pays aux 80 % de bacheliers « n’a pas réussi la massification de l’excellence ». Pour y remédier, il défend « une évaluation des compétences à la fin du CM2 » et « une meilleure orientation au sortir du lycée ». De même sur la sécurité, pour laquelle il veut « rebâtir un renseignement territorial et une police de proximité » et « développer une société de la vigilance ».

L’ancien ministre de l’économie, qui a créé son mouvement En Marche ! en le qualifiant de « ni de droite, ni de gauche », sait qu’il avance sur une ligne de crête délicate. A trop s’afficher comme un responsable politique libéral, il prendrait en effet le risque d’entamer son haut niveau de popularité dans un pays où le libéralisme politique n’a jamais été majoritaire dans les urnes. Un qualificatif que M. Macron peine toujours à faire sien, préférant renvoyer le débat sur les limites actuelles du système français. « On peut continuer à se bander les yeux, mais ce que l’on croit protecteur aujourd’hui ne l’est plus. La politique du logement ne protège pas les mal-logés, la politique de l’emploi ne protège pas les sans-emplois. Notre système n’est plus protecteur des plus faibles car la société a changé plus vite que notre modèle général », répond-il.