La croisière ne s’amuse plus
La croisière ne s’amuse plus
LE MONDE ECONOMIE
Préservé de l’effondrement du marché de la construction navale, le site de Saint-Nazaire du géant coréen STX est à vendre. L’Etat veut peser mais rejette la voie de la nationalisation.
Un chantier à Saint-Nazaire, lundi 10 octobre. | FRANK PERRY / AFP
Après le sauvetage baroque du site Alstom de Belfort, qui a vu l’Etat commander lui-même des TGV pour les faire circuler sur des voies secondaires, un canular photographique s’est répandu sur les réseaux sociaux. On y voyait un TGV flambant neuf utilisé en rame de métro à la station Solférino (celle du siège du parti socialiste à Paris). La RATP au secours des valeureux Belfortains ! Verra-t-on demain des paquebots de haute mer remplacer les bateaux mouche sur la Seine ?
La quatrième station du chemin de croix du gouvernement français dans les transports s’arrête à Saint-Nazaire. Après avoir dû gérer le sauvetage de PSA, la révolte chez Air France et la restructuration chez Alstom, l’exécutif s’attelle au casse-tête de la construction navale. Migraine assurée. Avec les mêmes ingrédients : la protection des derniers vestiges français de l’industrie lourde, concentré sur un micro marché, celui des navires de croisière.
Bassin d’emploi
Un secteur miraculeusement préservé de l’effondrement du marché de la construction navale, qui affecte tous les chantiers du monde, et particulièrement les plus puissants d’entre eux, les Coréens. Dont STX, quatrième acteur du secteur dans la péninsule, derrière Samsung Daewoo et Hyundaï. Perclu de dettes, le groupe est entre les mains de ses banques qui cherchent un repreneur. La pépite française, avec son carnet de commande de quatorze navires à livrer d’ici 2026 suscite les convoitises étrangères, italienne et néerlandaise notamment, mais aussi chinoise. L’Etat, qui détient un tiers du capital, suit l’affaire de près. Et ses motivations sont plus rationnelles que dans l’affaire Alstom où il s’était opposé au nom du symbole politique au déménagement d’un site à 200 kilomètres plus au nord.
Dans le cas de STX, il s’agit non seulement de sauvegarder un bassin d’emploi autrement plus conséquent, près de 6 000 postes autour de Saint-Nazaire, mais aussi de préserver une compétence de plus en plus rare en France, celle de l’ingénierie de très grands chantiers, faisant intervenir des milliers de sous-traitants en même temps sur un même objet. Il suffit de contempler le pataquès entourant la construction du réacteur nucléaire de Flamanville pour comprendre la nécessité de maintenir en France ce savoir-faire, également présent chez DCNS, Thales ou Airbus.
L’Etat, qui affirme ne pas vouloir nationaliser STX France, est cependant fondé cette fois à intervenir et notamment d’empêcher un transfert de technologie massif vers la Chine. Il devra pourtant résister à la tentation d’alourdir son champion DCNS, qui construit des navires de guerres, avec un métier dont il ne veut pas et qui est extrêmement cyclique. La sagesse sera donc de peser sans posséder. Un art tout en nuance qui n’est pas toujours compatible avec les préoccupations électorales de court terme. C’est pourtant la voie de la sagesse.