Un véhicule de police à Leipzig, où a été arrêté le 10 octobre un Syrien qui projetait un attentat. | HENDRIK SCHMIDT / AFP

La presse allemande revient très largement sur l’arrestation, lundi 10 octobre à Leipzig, de Jaber Al-Bakr, un réfugié syrien soupçonné de préparer un attentat en Allemagne. Les journaux insistent sur les circonstances de cette opération de police, qui a pu être menée à bien grâce à un autre Syrien : « L’Allemagne a son premier héros syrien », titre le quotidien conservateur Die Welt, au diapason de ses confrères. Mohammed A., 36 ans, dont l’identité est tenue confidentielle pour des raisons de sécurité, a expliqué avoir rencontré le suspect dans la gare de Leipzig, avant de le recueillir chez lui, puis de le reconnaître grâce aux alertes diffusées par la police sur Facebook. Il a alors décidé, avec quelques proches, de maîtriser le présumé djihadiste, avant d’aller le dénoncer aux autorités. « Il a essayé de nous corrompre avec de l’argent » pour être relâché avant l’arrivée de la police, a expliqué l’intéressé à RTL et au Bild, à propos de Jaber Al-Bakr.

Toute la presse est unanime : le quotidien Die Tageszeitung, la Frankfurter Allgemeine Zeitung et les sites des hebdomadaires Der Spiegel et Die Zeit reprennent les propos du ministre-président du Land de Saxe, Stanislaw Tillich, qui est allé jusqu’à qualifier ce migrant de « concitoyen ». Ce dirigeant estime que l’arrestation de Jaber Al-Bakr n’a été possible que « grâce au courage et à la conscience de ses responsabilités » de ce réfugié. Les médias abondent dans le même sens, en assurant que ce « héros syrien » a contribué « à empêcher un acte terroriste grave ». Le terroriste présumé, probablement lié à l’organisation Etat islamique, projetait un attentat contre l’aéroport de Berlin, et contre des trains.

Le visage des réfugiés qui refusent la terreur

Les médias allemands sont d’autant plus prompts à saluer cette action qu’ils sont critiques, à l’instar du quotidien Süddeutsche Zeitung, envers les défaillances de la police saxonne qui a surveillé Al-Bakr pendant des semaines pour finalement perdre sa trace, peu avant une première tentative d’arrestation, le 8 octobre à Chemnitz : « Ce ne sont pas des hommes du GSG 9 [les unités antiterroristes de la police fédérale] équipés d’armes automatiques qui ont interpellé le terroriste syrien, mais trois compatriotes qui l’ont maîtrisé tous seuls et attaché avec une rallonge électrique » avant de joindre les forces de l’ordre. Au passage, le journal raconte que Mohammed A. a dû se rendre au commissariat du quartier, car il ne parvenait pas, faute de bien maîtriser la langue allemande, à se faire comprendre au téléphone des officiers de permanence.

« Le suspect terroriste de Chemnitz provient de Syrie, les hommes qui l’ont arrêté sont également syriens. Cela montre que l’origine de quelqu’un n’a pas d’importance », observe la Tageszeitung. Pour lui, la question est « plutôt de savoir si quelqu’un est en faveur de la terreur et la violence, ou contre elles ». « Il est tout à fait important de contrôler à la loupe les réfugiés qui entrent dans le pays, mais il ne faut pas les mettre sous le coup d’une suspicion généralisée », renchérit Die Welt. Et ces journaux de prendre clairement position contre la jeune formation d’extrême droite AfD et le groupe islamophobe Pegida qui profitent de ces événements pour propager une fois de plus leur rejet des réfugiés.

« Surprise, il y a même de bons Syriens », ironise Die Zeit sur son site Internet, en référence aux clichés véhiculés par tous ceux qui se plaignent publiquement des réfugiés, accueillis en très grand nombre par l’Allemagne et la chancelière Merkel depuis un an. « L’essentiel des Syriens, ici en Allemagne, méprisent la terreur. Ils sont ici pour être en sécurité, et sont satisfaits et reconnaissants d’être en lieu sûr », note le site. « Cette écrasante majorité de réfugiés qui refusent la terreur a maintenant un visage », estime la Süddeutsche Zeitung.