La présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, à l’occasion de la fête nationale, le 10 octobre 2016 à Taipei. | SAM YEH / AFP

Pour son premier discours à l’occasion de la fête nationale taïwanaise à Taipei, lundi 10 octobre, la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, a réitéré ses positions de fermeté face à Pékin. Mais aussi d’ouverture. « J’appelle les autorités de Chine continentale à accepter la réalité de l’existence de la République de Chine, et la foi inébranlable du peuple de Taïwan dans le système démocratique. Les deux rives du détroit de Formose devraient s’asseoir le plus vite possible à la table des négociations », a-t-elle déclaré, commémorant les 105 ans de la République de Chine, exilée à Taïwan depuis 1949 après la défaite des nationalistes face aux communistes sur le continent.

Seconde présidente issue du Parti progressiste démocratique (DPP, sigle en anglais) à parvenir à la tête de l’Etat depuis la démocratisation de Taïwan dans les années 1990, Mme Tsai a été élue en janvier 2016 sur une vague de défiance face à la Chine populaire, avec laquelle son prédécesseur, Ma Ying-jeou, du Kouomintang (KMT), avait entrepris un rapprochement spectaculaire.

Depuis son investiture, la Chine a multiplié les pressions. Par exemple en faisant en sorte que l’invitation spéciale de Taïwan en 2013 à l’assemblée de l’Organisation internationale de l’aviation civile ne soit pas renouvelée cette année. Exclue de l’ONU en 1971, la République de Chine a accès aux institutions qui en dépendent selon le bon vouloir de Pékin. La Chine a également réduit son flot de touristes vers l’île, de 27 % depuis mai sur un an, selon les autorités taïwanaises, tout en privilégiant certaines localités KMT.

Fidèle à ses déclarations

Pékin reproche ouvertement à Mme Tsai de ne pas reconnaître le « consensus de 1992 », le pseudo-accord entre le KMT et le Parti communiste chinois, qui a permis le dégel dans le détroit de Formose au motif que les deux parties reconnaissaient « l’existence d’une seule Chine », mais « avec plusieurs interprétations ». Le DPP estime qu’il n’a jamais été validé démocratiquement à Taïwan.

Le discours du 10 octobre avait été présenté par Pékin comme la « dernière chance » offerte à Mme Tsai de s’amender : « Or, ce serait pour Tsai Ing-wen aller complètement à l’encontre de son électorat. La Chine de Xi Jinping a tellement chauffé l’opinion publique chinoise sur Taïwan qu’elle ne peut plus revenir en arrière », estime l’expert canadien de Taïwan Michael J. Cole.

La présidente taïwanaise est restée fidèle à ses précédentes déclarations : elle est prête, a-t-elle précisé lundi, à « reconnaître le fait historique qu’une rencontre a eu lieu en 1992 entre les deux institutions qui représentaient chaque rive du détroit ». Et a appelé les deux côtés à « chérir les succès accumulés de plusieurs décennies d’interactions et de négociations depuis 1992 ». Ses proches soulignent toutefois sa détermination à ne pas « provoquer » la Chine.

« Position de fermeté par défaut »

La présidente taïwanaise doit toutefois composer avec un président chinois intransigeant et nationaliste en la personne de Xi Jinping. En Chine, le porte-parole du Bureau des affaires taïwanaises a fustigé le refus de Mme Tsai de reconnaître le « principe clé » du consensus. Pour une source diplomatique à Taipei, l’échéance politique du 19e Congrès du Parti communiste chinois fin 2017 à Pékin pousse la direction chinoise à « adopter une position de fermeté par défaut vis-à-vis de Taïwan – sans toutefois aller trop loin ».

Ces rodomontades sont relativisées dans le camp de Mme Tsai. « Xi Jinping a dit avant les élections que, si Tsai ne suivait pas le consensus de 1992, il y aurait un séisme ! Or, elle a été élue. Les Taïwanais savent que l’on est au niveau de la déclaration politique, pas du conflit militaire », observe la députée du DPP Liu Shih-fang.